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d’argent à quatre personnes et en coûtera beaucoup à la France par la fâcheuse impression qu’elle a produite. » Le jugement de La Moricière était encore plus terrible. Voici ce que, vers la fin de l’année 1836, il écrivait à M. Napoléon Duchâtel, officier d’ordonnance du duc d’Orléans et membre de la chambre des députés : « Il est si pénible de voir la honte sous une gloire, l’opprobre à côté du talent, des guenilles sous un manteau d’or, que je ne pouvais me décider à formuler une opinion sur le maréchal. Avec ses antécédens, il s’était arrangé de manière que son nom résumait les idées de colonisation, de développement agricole et industriel, de soumission des populations de l’intérieur, etc. Tremblant, non sans quelque raison, de voir les mauvaises dispositions de la chambre, sachant que nous allions être attaqués, nous nous sommes tous pressés autour de notre chef, comme de bons soldats, ne nous apercevant pas que, parmi nos ennemis, il y en avait qui nous auraient tendu la main, si nous n’avions pas marché dans les rangs de l’armée de Verres. » Verres! quelle comparaison accablante! Le maréchal Clauzel n’en méritait sans doute pas l’ignominie ; mais c’était déjà trop qu’elle pût venir, sur son compte, à la pensée d’un honnête homme.


IV.

Le maréchal Clauzel, malgré sa déconvenue, n’avait pas renoncé au projet d’ouvrir une communication directe entre Tlemcen et la mer ; comme il n’avait pu y réussir en partant de Tlemcen, il retourna son plan et s’imagina que le succès serait meilleur en partant de Rachgoun. A peine revenu de Mostaganem, il prit la mer à Mers-el-Kébir, le 14 février, avec le général d’Arlanges, le colonel Lemercier, directeur des fortifications, et le directeur de l’artillerie. La reconnaissance qu’il fit de l’embouchure de la Tafna l’ayant confirmé dans son dessein, il donna l’ordre d’y construire le plus tôt possible un poste retranché; puis, de retour à Oran, comme il voulait inquiéter Abd-el-Kader dans une autre direction, il organisa en colonne mobile le 17e léger, le 11e et le 66e de ligne, le 2e de chasseurs d’Afrique et la cavalerie indigène, avec sept pièces de campagne et de montagne, sous les ordres du général Perregaux, et se hâta de partir pour Alger, d’où il comptait frapper sur les Arabes un coup terrible avant d’être privé du concours des régimens, dont le ministre de la guerre, toujours obsédé par la commission du budget, réclamait impérieusement le renvoi en France. Il emmenait avec lui les zouaves et les bataillons d’élite.

Dès le 23 février, le général Perregaux se mit en mouvement ;