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la mutinerie et au mépris de l’autorité, comme vous ne cessez de le faire depuis votre arrivée ici ; sous prétexte de faire des soldats, vous ne faites que des insurgés. Je suis mécontent, très mécontent, monsieur !

Le bonhomme avait besoin d’une victime pour passer sa colère, Simon venait à point.

— Si je me suis trompé, répondit-il, c’est une raison de plus pour me laisser racheter mes erreurs, et je vous offre de le faire, monsieur le principal.

Le père Antoine était de ceux que l’humilité exaspère :

— Allez au diable ! dit-il, nous n’avons que faire de vous ici, nous avons déjà trop de brouillons.

— Si vous le prenez ainsi, répondit Simon, je n’ai plus qu’à me retirer. Mais vous regretterez peut-être de m’avoir laissé partir.

— C’est possible. En attendant, je vous salue.

Et le bonhomme reprit sa promenade agitée.

Simon se retourna vers la jeune femme, qui écoutait avec inquiétude, lui fit un geste qui disait : — Je n’en peux faire davantage, — et, traversant la foule, sortit précipitamment du collège.

À ce moment, le surveillant, cause involontaire de l’émeute, voulut lui-même faire une tentative. Il avait à peine pris la parole que, par les fenêtres rouvertes, des objets de toute sorte furent lancés avec rage ; une table de nuit l’atteignit à la jambe, il dut s’enfuir à cloche-pied. Le père Rousselin le reçut dans ses bras ; il était temps, le pauvre homme allait défaillir. Mlle Juliette accourut, traînant un siège, sur lequel le blessé s’affaissa lourdement.

La jambe était fortement endommagée. Par la déchirure du pantalon, on voyait perler des gouttes de sang.

Mademoiselle courut à la pharmacie et rapporta du vulnéraire.

Pour la première fois, depuis bien longtemps, le vieil homme se trouvait aussi près d’elle. Leurs mains se confondaient dans le travail charitable ; il maintenait l’étoffe pendant qu’elle regardait la blessure. Un léger tremblement agitait tous ses membres et le rendait maladroit ; il ne disait rien, mais une sorte d’aboiement sortait de sa poitrine.

Cependant les autorités ne pouvaient se mettre d’accord. Le sous-préfet avait élevé la prétention de diriger l’assaut ; les pompiers et les gendarmes refusaient d’obéir. Ils critiquaient à haute voix le plan qui leur était soumis. Le principal était au désespoir ; ce n’était point assez de la révolte des élèves, il fallait encore que la guerre éclatât dans l’armée régulière.

La nuit était tout à fait venue ; le blessé avait été emporté au parloir. On agitait maintenant la question de lancer la garde nationale.