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ou inopportunes passionnent souvent pies leurs conseils que celles d’où dépend la prospérité du pays tout entier ; les indigènes se plaignent d’avoir à peine voix au chapitre dans les discussions où leurs intérêts les plus graves sont en jeu ; l’impatience des colons, la mauvaise humeur des étrangers qui se savent plus nombreux dans le pays que les Français, l’esprit processif des gens d’affaires, peuvent rapidement détruire l’effet des ménagemens qu’a pris le gouvernement pour faire accepter comme un bienfait son protectorat et soulever de sourds mécontentemens. — Au début d’une entreprise coloniale, créer des conseils municipaux, c’est éparpiller l’autorité, par conséquent l’affaiblir; plus tard, quand la colonie peut se suffire à elle-même, le danger est pire : les conseils prennent du corps, grossissent la voix, écartent de plus en plus les indigènes, qui cependant se multiplient à mesure que la prospérité de leur pays augmente, — Et, le jour où la mère patrie cesse de contribuer aux dépenses de la colonie, ils parlent de rompre des liens quille sont plus que des entraves et réclament l’autonomie. — Les Hollandais savent si bien le peu que pèse dans ces conseils l’intérêt lointain de la métropole, qu’ils n’ont jamais admis les municipalités; elles n’ont, suivant eux, de raison d’être que sur le sol de la patrie, quand elles sont liées les unes aux autres étroitement par la solidarité nationale; la seule idée, disent-ils, que puissent avoir en commun des municipalités coloniales est celle de s’émanciper. — Les Anglais, il est vrai, en ont institué, en face même de Java, à Singapour et aux Indes, mais ils les tiennent dans une dépendance que nous sommes trop libéraux pour imposer aux nôtres et que des Français ne supporteraient pas ; — il n’est d’ailleurs pas prouvé qu’ils aient eu raison de ne pas imiter leurs voisins.

Pour nous en tenir à la Tunisie, les municipalités sont constituées ; elles absorbent une part des recettes de l’état ; c’est là, au point de Tue de la réorganisation financière, ce que nous devions constater.


III.

Ces recettes étaient perçues par les caïds, avant le protectorat. Que sont devenus ces petits souverains bien connus, ces agens du pouvoir aux fonctions multiples, à la fois généraux, préfets, trésoriers, magistrats? Dans les villes, la création d’un conseil entraînait la nomination d’un receveur municipal ; dans les provinces, qui pouvait les remplacer comme agent des finances ? Personne, au début surtout. Ils sont donc restés chargés de percevoir dans ces tribus les différens impôts personnels ou fonciers; ils nous ont épargné une période de transition ruineuse pendant laquelle nous aurions