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5 janvier 1836, le maréchal Maison, ministre de la guerre, que vous vous disposiez à faire l’expédition de Tlemcen. Si la saison ne contrarie pas vos projets, le moment d’abattre complètement l’influence d’Abd-el-Kader semble, en effet, devoir être celui où vous venez de détruire son pouvoir à Mascara. J’attends avec impatience vos premières dépêches pour savoir le résultat de vos opérations sur Tlemcen. » Mais, dans la même dépêche, le ministre rappelait au gouverneur-général l’obligation de resserrer dans les limites du budget l’effectif de l’armée d’Afrique et lui prescrivait de renvoyer quatre régimens en France. Selon les idées du gouvernement, qui étaient celles de la majorité des chambres, le maréchal Clauzel n’avait été envoyé en Algérie que pour venger l’affront de La Macta, et, l’affront vengé par la destruction de Mascara, il devait restituer, comme un prêt, les troupes qui ne lui avaient été confiées temporairement que pour un objet déterminé. A peine rentré à Oran, le 18 décembre 1835, le gouverneur-général avait paru d’abord disposé à s’exécuter de bonne grâce ; ne gardant avec lui que les compagnies d’élite du 2e léger, il avait fait relever par le gros de ce corps le 10e régiment de même arme qui était désigné pour rentrer le premier d’Alger en France ; mais, sous divers prétextes, il trouva le moyen de retarder de plusieurs mois le départ des trois autres.

Pendant qu’il hâtait à Oran ses préparatifs, la fortune ou plutôt une faute d’Abd-el-Kader lui amena tout à propos un auxiliaire de grande considération. Lorsque le vieux Moustafa-ben-Ismaïl s’était déclaré hautement pour les Français contre celui qu’il appelait dédaigneusement le marabout de Mascara, son neveu El-Mzari avait refusé de le suivre et s’était retiré vers Abd-el-Kader avec une fraction des Douair et des Sméla, sur laquelle il exerçait une influence incontestée. Accueilli comme il méritait de l’être, il était devenu l’un des aghas de l’émir; à La Macta, il avait été blessé; au combat de l’Habra, c’était lui qui commandait la cavalerie et il avait été blessé encore ; mais peu de temps après, Abd-el-Kader, aigri par la défaite et mécontent d’autrui, s’était laissé aller contre son lieutenant à des marques de suspicion et de défiance. Celui-ci, atteint dans son orgueil et craignant pour sa vie, noua secrètement des relations avec Ibrahim, le bey de Mostaganem, et quand il eut pris avec lui ses sûretés, il lui amena les Douair et les Sméla invariablement dévoués à sa personne. Au premier avis que le maréchal eut de cette importante défection, il fit partir pour Mostaganem le commandant Jusuf, avec de grands complimens pour le chef arabe, qu’il invitait à venir s’entendre avec lui à Oran. El-Mzari s’y rendit, escorté de son goum ; avec lui vint un autre chef d’importance, Kadour el-Morfi, ancien caïd des Bordjia. Le gouverneur-général leur fit grand accueil; il nomma El-Mzari khalifa du bey de Mostaganem et agha de la