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la dernière déchéance des mœurs, si les Luciens n’avaient souvent pour femmes des Francines !

Et d’autres discoureurs, ou peut-être les mêmes, se plaignent que cette comédie « ne finisse pas. » — Après que Mme Smith, par une ruse vraisemblable, et même trop facile, a extorqué à Francine l’aveu de son innocence, et que Lucien et toute la compagnie en ont pris acte, après cette dernière émotion de l’héroïne, ressentie par tout le monde, une détente se fait dans son âme et dans l’humeur de son mari, et l’auteur en profite pour arrêter là leur histoire. C’est, en effet, dans leur vie, la fin d’une période: cela suffit pour que l’œuvre dramatique soit terminée. — « La belle avance, dit-on, que ce cri final, pour Lucien et pour Francine ! Il n’en garde pas moins ses torts; elle reste compromise par une équipée dont le souvenir est déplaisant, et par un stratagème dont la seule idée, aux yeux d’un mari délicat, serait une souillure. Peuvent-ils se réconcilier tout de bon? Peuvent-ils encore être heureux? Quelle garantie a-t-on qu’il ne retournera pas une fois de plus, ou dix fois, à ses vieux péchés ? Et que la malheureuse, auprès de son enfant, ne traînera pas une vie désolée ? Ou qu’elle ne se vengera pas, mais tout de bon, alors, en prenant un consolateur ?» — Quelle garantie? Aucune. Mais ce n’est pas l’affaire de l’auteur de nous en donner. Écrivez, si cela vous plaît, une Suite de Francillon, et qu’elle soit à votre guise. Cette pièce est conforme à la réalité, où rien ne finit, à moins que tout le monde ne meure. Ce qu’elle a d’inachevé n’est qu’un mérite et, — nous laissant rêver, — un charme de plus.

Je me suis attaché aux beautés de cette comédie, dont plusieurs sont contestées, plus qu’à ses défauts, que je ne contesterai pas : c’est que ces beautés forment les parties essentielles de l’ouvrage, et que les défauts sont presque tous dans les parties accessoires. Un mot cependant sur les personnages secondaires. J’aime assez Mme Smith : elle est plantureuse, elle est sensée, elle est de bonne humeur et de bon conseil; elle professe et pratique une excellente philosophie sur les libertés nécessaires à un mari; elle est, cette belle poularde, une pondeuse et une couveuse modèle, et, de plus, une amie utile pour une jeune poulette comme Francillon. Mais la belle-sœur de celle-ci, Annette de Riverolles, ne me plaît qu’à demi : c’est que, pour moitié, c’est une jeune fille, et qui a sur la vie les lumières, — au moins les clartés mêlées d’ombre, — Des jeunes filles d’aujourd’hui; mais que, pour moitié, c’est une ingénue selon la convention du théâtre, et qui se marie un peu selon cette convention. Elle découvre qu’un homme, M. de Symeux, a une mère; elle lui révèle que, de son côté, elle n’a pas manqué d’en avoir une : cette preuve de sympathie les fiance. La scène où ces piétés filiales échangent leurs politesses, au commencement du second acte, m’a paru froide. Autant