Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au grand trot, précédée de nombreux tirailleurs ; mais le mouvement des Français est encore plus rapide. Un changement de direction à droite, par brigade, est commandé par le maréchal, qui, ne voulant pas recevoir sur son flanc, de pied ferme, cette attaque, se porte au-devant de l’ennemi avec les première et deuxième brigades, tandis que la troisième et la quatrième couvrent le convoi en arrière et à droite. Cette manœuvre est exécutée avec une précision et une célérité qui eussent été applaudies sur un champ d’exercice. Une batterie de dix pièces de montagne et de campagne ouvre son feu au milieu des tirailleurs de la deuxième brigade, devenue tête de colonne. L’effet en est terrible, surtout autour de l’émir ; son secrétaire et son porte-étendard tombent à ses côtés : mais lui-même, fier d’être le but de tous les coups, se promène au petit pas sur son cheval noir et défie, dans son fatalisme confiant, l’adresse des canonniers, obligés d’admirer sa bravoure. Ses cavaliers continuent le combat jusqu’à ce que, débordés sur leur droite par la première brigade, qui les a tournés, ils se retirent en bon ordre dans la montagne, cédant à l’emploi habile des moyens supérieurs de la tactique européenne. Le maréchal ne veut point les y suivre. Un nouveau changement de direction à gauche replace l’armée française dans la route qu’elle avait un instant quittée. Elle redescend tranquillement dans la plaine, sans paraître s’occuper davantage de l’armée arabe, qui a vainement essayé de l’attirer dans la montagne. »

Abd-el-Kader, cependant, ne se tenait pas pour battu. Il savait que, pour trouver de l’eau et un bon bivouac, l’armée française devait nécessairement pousser jusqu’à l’Habra. C’était là qu’il espérait la surprendre et l’accabler, comme au défilé de la Macta naguère. Sans être aussi favorable à son dessein, la disposition du terrain ne laissait pas de lui assurer des avantages. En voici la topographie, telle que le duc d’Orléans l’a tracée : « Une lieue avant d’arriver à l’Habra, la plaine, découverte et unie comme un lac, se resserre entre l’Atlas, à droite, et un bois très touffu, à gauche. La forêt et la montagne vont se rapprochant, et le fond de cette espèce d’entonnoir est fermé perpendiculairement par deux ravins parallèles entre eux, unissant les mamelons escarpés de la droite à la futaie très resserrée de la gauche. Derrière ces ravins, d’un accès difficile, se trouve un cimetière entouré de haies d’aloès et de petits murs, et rempli de pierres tumulaires et d’accidens de terrain qui se prolongent en arrière jusqu’à l’Habra; au centre, on voit quatre marabouts blancs, surmontés d’un croissant, dédiés à Sidi-Embarek, et servant, dans ces vastes solitudes, de point de direction et quelquefois d’asile au voyageur. C’est dans cette position