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autre, avec celui-ci, mais qui sert, au contraire, à le pousser droit sur des obstacles nouveaux, et à l’enlever. Ces moyens ne l’indignent pas, ou ne l’indignent qu’après coup : la cravache donne à ses nerfs un sursaut de vie dont il sait bon gré à qui le frappe ; il est battu et content. Même il prend plaisir, ce public, à se croire plus battu qu’il n’est; double plaisir : il y gagne d’abord une sensation plus vive, et ensuite le droit de se plaindre davantage. Car il se plaint, aussitôt après avoir acclamé son vainqueur; ses plaintes se confondent avec l’écho de ses acclamations : et, de la sorte, la pièce de M. Dumas fait deux fois plus de bruit qu’une autre. « Ah! ce Dumas!.. Oh! ce Dumas! » C’est l’assemblée qui se pâme, à Francillon; et ces mêmes spectateurs, qui, répandus par la ville, se font un devoir de protester.

« Nous nous sommes amusés, » dit-on (et, en effet, ce robuste cavalier use surtout de cet éperon, l’esprit, pour forcer jusqu’au bout sa monture;) « nous nous sommes amusés, mais quelle histoire! M. Dumas prétend qu’une femme honnête, une femme du monde, parce que son mari la trompait, s’en est allée souper avec un passant, et qu’elle s’est vantée, le lendemain, d’avoir été la maîtresse de cet inconnu. Ce serait un conte à dormir debout, si l’humeur gaillarde et l’ironie du conteur ne tenaient les gens éveillés. Grand merci pour le divertissement, mais nous ne croyons pas un mot de ce récit. La relation de cette nuit parisienne est piquante et pleine de merveilleux : nous la goûtons, justement, comme une des Mille et une Nuits qui serait parisienne. » Et, après ce compliment, quiconque veut faire l’entendu, ajoute aussitôt : « Quant à la thèse... car il y en a une : oh! M. Dumas, cette fois, l’a bien cachée. Il sait que nous lui avons laissé pour compte, en mainte occasion, les discours de ses porte-parole : il s’est méfié de notre bon sens; il a insinué son idée dans le drame de façon que nous ne sachions pas où la saisir pour la rejeter. Mais bah! Nous croquons la boulette, nous savourons les épices, et nous recrachons le poison : voici, monsieur, votre prétendu remède !.. Œil pour œil, dent pour dent, c’est la devise de votre héroïne, et vous l’approuvez. Ainsi vous professez, — par intérêt sans doute pour le mariage et pour assurer le respect de ses engagemens, — vous professez cette doctrine : l’adultère du mari et celui de la femme sont des fautes égales; or le talion est l’expression la plus naturelle de l’équité ; donc une de ces fautes répare l’autre. Vous reconnaissez qu’il faut prévoir la trahison de l’époux; et vous proclamez le droit de la femme aux représailles! L’usage d’un droit, dans noire état social et politique, est un devoir : pas d’abstentions!.. Tue-le! disiez-vous naguère: elles revolvers sont partis en feu de file, aux applaudissemens des jurys. Trompe-le ! dites-vous maintenant : et les restaurans de nuit vont se rouvrir, et se tirer les verroux des cabinets particuliers. Seigneur Dumas! vos commandemens