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là, n’a été que cela, dans la pensée de sa fondatrice: un asile ouvert à la noblesse pauvre, une protection contre le monde, rien de plus ni surtout de plus vaste ou de plus ambitieux. En quoi nous ne pensons pas diminuer l’utilité de l’œuvre, mais seulement sa grandeur, et ainsi la ramener aux proportions de l’esprit même de sa fondatrice.

Pour une raison du même genre, il est bon de rappeler encore, avec la place qu’ils tiennent dans les programmes de Saint-Cyr, ce goût de l’administration, du détail et du ménage qui la caractérisent. Habituée dès l’enfance à se servir elle-même, ou même à servir les autres, bien loin de se déplaire aux plus humbles occupations du ménage, Mme de Maintenon y avait pris un tel goût, que plus tard elle l’avait porté jusque dans le beau monde et qu’elle avait eu l’art, conformément à son caractère, de s’en faire un moyen de fortune : « Jamais six heures, comme elle le dit, ne la prenaient dans son lit; » et levée la première, chez Mme d’Heudicourt comme chez les Montchevreuil, elle donnait ordre à tout, mettait la main elle-même à la besogne, balayait, rangeait, époussetait, montait à l’échelle, au besoin, pour y faire l’ouvrage du tapissier, faisait les courses, lavait, emmaillottait et couchait les enfans; « aussi lasse à la fin du jour et aussi négligée qu’une servante. » C’est elle-même à qui nous devons ces détails; et c’est elle aussi qui nous apprend « que les services d’amie que Mme de Montespan remarqua qu’elle rendait à Mme d’Heudicourt » furent la cause du choix que l’on fit d’elle pour élever les enfans du roi. A Dieu ne plaise que nous prétendions lui en faire un reproche! Toutes ces occupations sont d’une femme assurément, et d’une femme comme on ne saurait souhaiter qu’il y en eût trop. Nous trouvons également naturel et louable qu’à Saint-Cyr elle fût « l’économe et la servante » de la maison, qu’elle s’occupât des provisions, qu’elle sût le nombre des tabliers, des serviettes et des torchons. Mais il est bien permis de remarquer aussi que ce souci du détail ne va pas habituellement avec les grandes pensées, les préoccupations de la politique ou de la religion, et qu’en tout cas, s’il est d’une bonne ménagère, vigilante, exacte et scrupuleuse, il ne décèle pas une intelligence supérieure, mais plutôt moyenne, raisonnable et bien équilibrée. De telles habitudes eussent pu faire la parure de Mlle Corneille ou de Mlle Racine, de la femme de La Fontaine ou de la mère de La Bruyère : elles ne les eussent pas tirées du commun, ni signalées à l’admiration ou seulement à la mémoire de la postérité. Cependant, c’est bien là, comme nous disions, et qu’on s’en doute ou non, le seul point qu’on discute : si Mme de Maintenon fut égale à sa fortune ou si, au contraire, femme ordinaire à tous égards, elle n’y fut pas inférieure, pour s’en trouver, après cela, cruellement accablée dans l’histoire.

Prêtez-lui donc, comme Saint-Simon, des qualités plus qu’ordinaires