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Bismarck lui-même. Désormais, le chancelier de l’empire peut se flatter de trouver à Munich de l’appui, du secours, un grand empressement à lui être agréable, un prince qui s’emploiera de grand cœur à assouplir la fierté bavaroise. Le chancelier le sait bien, et, dans un de ses derniers discours, il demandait ironiquement à M. Windthorst si les chefs du parti du centre comptaient toujours sur la Bavière, si les électeurs de ce royaume ne leur ménageaient pas quelque cruelle surprise.

M. de Bismarck espère aussi tirer quelque assistance d’un autre allié, d’un souverain bien plus considérable, beaucoup plus puissant que le prince régent de Bavière. Il compte se servir de ses bonnes relations avec le Vatican pour embarrasser et diviser le parti catholique. Le chancelier n’est pas infaillible; mais, quand il fait des fautes, il sait les réparer. Il a commis jadis une très grave imprudence en s’attaquant à l’église. M. Thiers disait de lui : « M. de Bismarck se trompe, il prend les guêpes pour des abeilles. » Les colères et les rancunes des guêpes sont redoutables, et il a souvent maudit cet essaim irrité qui voltigeait autour de lui, le harcelait sans cesse, l’inquiétait par son aigre bourdonnement, le désolait par ses cuisantes piqûres. De son propre aveu, il a commis une autre faute le jour où il faillit se brouiller avec l’Espagne pour la question des Carolines, qu’il considère aujourd’hui comme une vétille, une vraie misère, eine Lumperei. Mais quand il recourut à la médiation du pape Léon XIII pour apaiser cette fâcheuse querelle, il fit un coup de maître. Le saint-père s’est montré fort sensible à un tel hommage, venant de si haut. On le nourrit souvent d’un pain d’absinthe et d’amertume; ce fruit lui a paru plein de douceur.

Le discours du trône qui a été lu le 15 janvier à l’ouverture de la session du parlement prussien annonçait une nouvelle révision des lois ecclésiastiques, de ces lois de combat et de colère qui ont produit des effets tout contraires à ceux qu’on espérait. « Ce discours contient la plus belle des promesses, disait le Moniteur de Rome. Si le futur projet de loi répond entièrement à ces déclarations, comme nous avons des raisons de le croire, la paix n’est pas loin d’être faite. » Si le chef de l’église est satisfait, M. Windthorst a-t-il le droit de se déclarer mécontent? M. de Bismarck affirmait l’autre jour à la chambre des députés de Prusse que le souverain pontife désavouait l’opposition catholique, que les électeurs en seraient avertis avant le 21 février. On prétend que le gouvernement impérial est en possession d’une note émanée du Vatican, par laquelle Léon XIII recommande au clergé catholique de s’abstenir de toute agitation électorale. Si le saint-père est vraiment disposé à intervenir, à s’interposer, on peut être certain qu’il n’aura garde de se départir de cette discrétion circonspecte