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regarde comme une inconvenance de mêler le nom du roi à nos débats. S’il était conséquent, il nous interdirait d’invoquer ici le texte de la constitution, car le nom du roi y revient souvent et ses attributions y sont énumérées tout au long. Nous défendre de vous parler de lui, c’est souhaiter que la puissance royale tombe en oubli. Dans certains pays de l’Asie orientale, on cache le souverain à son peuple ; mais chez nous, en Prusse, le roi est un homme puissant avec qui chacun doit compter, et quand vous nous demandez de vous en parler le moins possible, c’est pour vous mettre à l’aise. »

L’empereur Guillaume n’est pas toujours disposé à intervenir dans les débats de la politique courante. Certaines questions lui importent moins qu’à son chancelier, et il apprécie beaucoup plus que lui les douceurs de la paix et de la politique tranquille. Mais s’agit-il de l’armée, son cœur s’émeut et il élève la voix : elle est sa chose, elle est son bien ; c’est lui qui l’a faite et qui l’a conduite à la victoire. Quand il reçut la députation de la chambre des seigneurs, qui lui apportait un compliment de condoléance sur le malheureux vote du Reichstag, il déclara que ce déplorable incident lui avait causé une profonde douleur : « Dites-le partout, a-t-il ajouté, je suis profondément affligé, et ma seule consolation est d’espérer que les choses iront mieux à l’avenir; mais votre démarche m’a soulagé le cœur, et je vous remercie du fond de l’âme. » Les libéraux ne peuvent se dissimuler que le manifeste de l’empereur produira une vive sensation. Quand un souverain, chargé d’ans et de gloire, crie à son peuple : « Ne touchez pas à mon épée, à l’épée de Sadowa et de Sedan! » — Ce cri trouve de l’écho, et lorsqu’il affirme que le septennat militaire est nécessaire à la conservation de la paix, il faut être un progressiste endurci dans son péché pour refuser de l’en croire.

M. de Bismarck dispose aujourd’hui d’alliés, de précieux auxiliaires, qui lui manquaient autrefois. La Bavière avait un roi d’humeur sombre et farouche, qui fuyait les hommes, se dérobait au monde. Pour préserver de tout accident fâcheux ses tristes plaisirs et son mélancolique repos, il avait autorisé ses ministres à se plier, en toute rencontre, aux volontés et aux désirs d’un suzerain qu’il aimait peu. Mais ce solitaire ne se mêlait de rien; il n’usait jamais de son autorité personnelle pour réconcilier son peuple avec le nouvel état de choses, pour lui faire goûter ses assujettissemens. Il se tenait sur la réserve; il ne gênait pas, il aidait encore moins. Le roi Louis II n’est plus, et, dès son avènement, le prince régent de Bavière a donné au gouvernement impérial des garanties de son zèle et de sa complaisance. Quand il s’est rendu à Berlin, il a harangué les députés de l’Allemagne du sud, il les a exhortés à voter le septennat, il leur a parlé, plus poliment sans doute, mais avec autant d’insistance que l’aurait fait M. de