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moyens que lui suggère sa diplomatie inventive et il continuera cette guerre jusqu’à ce que sa volonté soit accomplie... Il y a quelques semaines déjà, ajoutait l’orateur, j’ai dit à mes amis : Nous serons dissous à propos de la loi militaire, et on entend faire de cette question une plate-forme électorale. » M. Bamberger avait été bon prophète et la discussion n’était pas encore ouverte que tous ses amis lui donnaient raison. Aussi le dénoûment de ces mémorables débats était-il connu d’avance, et, comme l’a dit un journal allemand, tous les discours étaient prononcés par les fenêtres; c’était aux électeurs des villes et des campagnes qu’on s’adressait, que, de part et d’autre, on exposait ses argumens, comme si la campagne électorale eût été déjà commencée : — « Je regrette, messieurs, disait le prince-chancelier en s’excusant de prendre pour la troisième ou la quatrième fois la parole, je regrette d’abuser de vos momens quand vos jours sont si rigoureusement comptés. » C’était la mot du destin et les condamnés n’ont point tenté d’aller en appel.

Il arrive un âge où les désirs s’apaisent, où l’esprit se modère, où l’on compte davantage avec l’opinion, comme avec les inconstances de la fortune et avec les lois communes de la vie. C’est l’âge où les grands hommes d’état, qui jadis avaient étonné le monde par l’audace de leurs entreprises et de leurs ambitions, se persuadent qu’ils furent toujours des hommes de paix, des justes méconnus, longtemps persécutés par les injustes passions de leurs ennemis. Depuis qu’il est en possession « des objets litigieux, » le chancelier de l’empire allemand, saturé de gloire, s’occupe de conserver le grand édifice qu’il a construit de ses puissantes mains et de le protéger contre tous les accidens possibles. Il a pris le rôle de modérateur des événemens ; en plus d’une rencontre et tout récemment, dans les affaires d’Orient, il a mérité ce titre « d’avocat de la paix » qu’il revendiquait l’autre jour devant le Reichstag. Quand il revient dans ses discours sur l’histoire de son glorieux passé, il s’attache à prouver à l’Europe qu’il fut toujours modéré dans ses désirs comme dans son bonheur, qu’il n’a jamais jeté sur le monde et sur ses voisins que des regards pacifiques, que ce sont les aventures qui sont venues le chercher, qu’il s’est vu forcé malgré lui de relever le gant que lui jetaient des ambitieux et des brouillons.

Dans ses derniers démêlés avec le Reichstag, M. de Bismarck a parlé plus d’une fois de son goût pour les compromis; mais ses adversaires sont des intransigeans, dont l’obstination le désole. Il ne demande qu’à s’accorder, il a horreur des conflits, on le réduit à la nécessité de se défendre. « Je n’aspire qu’à être le député de Meppen, lui disait l’autre jour M. Windihorst, qu’il accusait de convoiter sa place. — À cette ambition, répliqua-t-il, vous ajoutez le désir de me