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D’après les ordres du maréchal Clauzel, la position de Msoulen ou du Figuier, à 14 kilomètres au sud-est d’Oran, à la pointe orientale de la Grande-Sebkha, devait être occupée d’une façon permanente. Le génie, du 10 au 21 septembre, y construisit un fort étoile capable de contenir cinq cents hommes. C’était la première étape dans la direction de Mascara, qui était le principal objectif du maréchal. Il y en avait un autre, Tlemcen, où Moustafa ben Ismaïl et les coulouglis, bloqués depuis six ans dans le Méchouar, attendaient enfin de lui leur délivrance. Afin de leur donner courage et d’empêcher en même temps l’introduction des armes et des munitions de guerre que l’émir se faisait envoyer de Gibraltar et de Tanger, le gouverneur fît occuper l’île de Rachgoun, qui commande l’embouchure de la Tafna. C’est un rocher, long de huit à neuf cents mètres, large de trois cents, dont le profil escarpé, de formation volcanique, se dresse à quarante ou cinquante mètres au-dessus de la mer; il n’y a ni une goutte d’eau ni une feuille verte; rien que le roc nu, aride, brûlé par le soleil. Le 30 octobre, au point du jour, un bateau à vapeur y débarqua, non sans peine, une petite colonie militaire. Le chef d’escadron d’état-major Sol, qui en était le chef, avait sous ses ordres un capitaine du génie, un lieutenant d’artillerie, un chirurgien militaire, un agent comptable, un interprète, cent douze hommes du 1er bataillon d’Afrique, vingt-trois sapeurs du génie, dix-huit canonniers gardes-côtes, quatre soldats d’administration, un quartier-maître et quatre matelots. Le matériel se composait de deux bouches à feu, de quatre fusils de rempart, de quarante-cinq mille cartouches d’infanterie, d’outils, de planches, de bois d’œuvre, de ferrures, de tentes, de vivres et d’eau douce pour un mois ; enfin, d’un canot; car il était recommandé au chef de la colonie de se mettre en communication avec les tribus de la côte. Sur ce roc inhospitalier, l’installation fut pénible et longue; enfin, à force de patience et d’industrie, des baraques remplacèrent les tentes, et la vie matérielle s’organisa tant bien que mal ; mais quelle épreuve pour des hommes habitués à l’action que l’existence passive, inoccupée, de cette sorte de naufragés volontaires ! Combien devaient-ils envier le sort des heureux camarades qui, dans ce même temps, sans avoir probablement conscience de leur fortune, faisaient la traversée de France en Algérie, de Port-Vendres à Mers-el-Kébir !

Le 11e de ligne, le 2e et le 17e légers arrivèrent ainsi, mais sans ustensiles de campement, sans bidons ni marmites ; on fut obligé d’en faire venir de Metz. En attendant, les troupes furent employées à la construction d’un grand ouvrage que le maréchal Clauzel avait donné l’ordre d’ajouter à la redoute du Figuier. Le 21 novembre, l’artillerie d’Oran salua l’entrée du duc d’Orléans et du gouverneur;