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suffira de dégager les points sur lesquels l’universalité des esprits se trouve d’accord. Herbert l’a essayé, et voici le Credo qu’il nous propose :


1. Dieu existe;
2. Nous avons l’obligation de loi rendre un culte;
3. C’est principalement par la vertu et la piété que nous nous acquittons de cette obligation ;
4. Le repentir est efficace pour nous faire rentrer en grâce auprès de Dieu;
5. Il y a une vie future, avec des récompenses et des châtimens.


Une vérification est nécessaire ; on ne peut la chercher que dans une étude historique des différentes religions. C’est ce que fit Herbert, au moins pour l’antiquité classique, dans un traité assez considérable. De Religione gentilium. M. de Rémusat suppose qu’il dut employer le secours de quelque collaborateur érudit. Au fond, il importe assez peu qu’Herbert ait plus ou moins exactement connu la religion des païens ; ce qui nous intéresse, c’est surtout sa méthode, qui va devenir celle de tout le déisme du XVIIIe siècle, et qu’on peut ramener à ces deux principes :

Il y a un minimum de croyances religieuses fondées sur la raison : le simple bon sens les aperçoit ; la réflexion les détermine avec une clarté et une précision suffisantes pour les besoins de la pratique.

En fait, dans tous les temps et chez tous les peuples, ces dogmes essentiels ont été reconnus. Ils sont le fonds immuable des religions changeantes. Ils constituent la religion naturelle, la seule qu’exigent la morale et l’ordre social, la seule que puisse accepter l’esprit humain.

Tout le reste n’est qu’impostures des prêtres ou subtilités des philosophes. La religion naturelle est tout aussi éloignée des théologies que des métaphysiques : les unes sont la perversion de la raison, les autres en sont l’abus. La nature, toujours la même et toujours infaillible, les ignore également.

On voit clairement par où ce point de vue diffère des tentatives plus ou moins heureuses qui ont pour but d’établir un prétendu accord entre la raison et la foi. Ces tentatives sont fréquentes en Angleterre, où l’orthodoxie protestante laisse plus de latitude à la libre interprétation que l’orthodoxie catholique. L’esprit anglais, on l’a remarqué souvent, n’aime pas à procéder par destructions soudaines et radicales ; jusque dans le progrès il prétend respecter la tradition. Avec beaucoup de bonne volonté, il semblait possible de concilier les données de la lumière naturelle et celles de la