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nappe d’eau souterraine. On comprend, par conséquent, combien il est indispensable à la santé des populations de ne consacrer aux usages alimentaires qu’une eau irréprochable. Celle des puits est toujours suspecte, et de plus elle est peu aérée, lourde et séléniteuse. Celle des rivières est excellente lorsqu’elle n’est pas contaminée, mais il est rare qu’on puisse s’y fier. L’eau de source est donc la meilleure, et toutes les villes l’ont si bien compris que la plupart d’entre elles s’alimentent à l’aide de sources captées dans le voisinage, ou de ruisseaux pris à leur point d’émergence et amenés, à l’aide de conduites, dans des réservoirs où s’opère la distribution. Ce besoin est aujourd’hui si bien reconnu qu’une foule de petites localités s’imposent des sacrifices pour le satisfaire. Les questions d’amenées d’eau sont au nombre des affaires qui occupent le plus de temps, pendant les séances du comité consultatif d’hygiène publique. C’est surtout, il est vrai, pour s’en procurer une quantité suffisante que les villages se mettent en frais; Il ne suffit pas, en effet ; que l’eau soit pure, il faut qu’elle soit distribuée en assez grande abondance pour faire face à tous les besoins ; il faut qu’on puisse la gaspiller. La propreté, et par conséquent la salubrité d’une ville, sont proportionnelles à la quantité d’eau qu’elle consomme. A cet égard, nous avons fait de grands progrès ; mais que nous sommes encore loin d’attacher à cet élément de l’hygiène l’importance qu’y mettaient les anciens ! Les Romains surtout nous ont laissé à cet égard de magnifiques exemples, dans tous les pays qu’ils ont occupés. Nulle part au monde et à aucune époque, l’eau n’a été répandue avec autant de prodigalité que dans la ville éternelle. Vingt-deux aqueducs lui en amenaient de véritables torrens des montagnes voisines, et ceux qui subsistent suffisent encore pour lui permettre de donner 1,100 litres par jour à chacun de ses 300,000 habitans. Il serait imprudent d’affirmer que l’hygiène ait été le mobile principal de cette libéralité. L’eau tenait une grande place dans l’existence de cette population raffinée. Elle servait à l’agrément, à la décoration des maisons romaines ; elle alimentait les fontaines, les réservoirs, les immenses bassins sur lesquels se livraient les naumachies et les bains publics, dans lesquels ce n’était pas précisément les hygiénistes qui se donnaient rendez-vous. Il n’en est pas moins vrai que cette profusion attestait des habitudes de propreté et des goûts en rapport avec le maintien de la santé, sous le climat brûlant de l’Italie méridionale. Depuis cette époque, aucune ville n’a été aussi largement dotée. La plus favorisée aujourd’hui est Marseille. Il y a un demi-siècle, elle n’avait pas plus de 65 litres d’eau à donner par jour à chacun de ses 160,000 habitans. Depuis l’emprunt qu’elle a fait à la Durance, le canal qui part de cette