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enfin, ils ont le droit d’initiative. Eh bien, cette institution salutaire n’a pas réalisé les espérances qu’elle avait fait concevoir. Le ministre du commerce en a fait lui-même l’aveu, dans sa circulaire du 2 juillet 1873, en rappelant qu’à cette date il y avait encore trente-neuf départemens qui n’avaient fourni aucun rapport sur leurs travaux sans donner d’excuses valables. Il en est encore de même. Les allocations votées en 1884 et en 1885 par les conseils généraux, pour assurer le service, ont été nulles dans vingt-quatre départemens et dérisoires dans la plupart des autres. Il est certain que l’administration et les conseils généraux ne montreraient ni cette indifférence, ni cette parcimonie, s’ils étaient convaincus qu’il y va de la santé et de la vie de leurs administrés; qu’il dépend d’eux de diminuer, au prix de quelques sacrifices, le tribut prélevé chaque année sur la population par les maladies endémiques, comme la fièvre typhoïde et la diphtérie ; d’atténuer les ravages du choléra, dont il faut bien nous occuper, puisque nous sommes destinés à en subir les retours périodiques, tant qu’il plaira à l’Angleterre de maintenir ouverte pour lui la porte de la Mer-Rouge et tant qu’il conviendra à l’Europe de le souffrir.

L’insalubrité de quelques-unes de nos grandes villes a frappé l’attention publique lors de la dernière épidémie de choléra, et la nécessité de les assainir n’a pas été contestée ; mais il ne faut pas se faire illusion, toutes les agglomérations urbaines laissent plus ou moins à désirer. Paris, pour lequel on a déjà fait tant de dépenses, Paris a suivi la loi commune. Le bon sens public ne s’y est pas trompé lorsqu’il a qualifié d’embellissemens les grands travaux exécutés il y a trente ans. L’hygiène n’en a pas profité autant qu’elle aurait pu le faire, et la ville souterraine appelle encore de grandes améliorations. L’assainissement du pays tout entier est devenu d’une nécessité urgente pour des raisons que je vais indiquer.

A la conférence sanitaire internationale de Rome, lorsque nous combattions les propositions des Anglais en matière de quarantaines, lorsque nous demandions, avec l’énergie de la conviction fondée sur l’expérience, le rétablissement des garanties sanitaires qu’on venait de supprimer et qui avaient protégé l’Europe pendant dix-sept ans, nos collègues d’outre-Manche nous répondaient: « Nous avons dépensé, depuis un demi-siècle, 4 milliards pour assainir notre pays; faites comme nous, et vous n’aurez plus à redouter les ravages du choléra. Si vous voulez que vos populations se décident à faire les sacrifices nécessaires, laissez suspendue sur leur tête cette épée de Damoclès des épidémies, qui seules peuvent leur inspirer cette crainte salutaire sans laquelle tous vos argumens échoueront. » Nous n’avons pas, est-il besoin de le dire,