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sont remplies d’alluvions horizontales, très fertiles. Plusieurs se sont changées en marais, quelques-unes en lacs. Les vallées ouvertes sur la mer sont devenues des plaines en pente douce, parcourues par une ou par deux rivières. Ainsi le centre du Péloponèse est occupé par les plaines sans issue de Tégée et de Mantinée, celles de Soudéna et de Phénéos en Arcadie sont devenues des lacs ; la vallée béotienne est occupée en grande partie par le lac Copaïs. Au contraire les vallées d’Athènes, d’Argos, de Sparte, de Messène, d’Olympie et les vastes plaines de la Thessalie sont parcourues par des rivières qui se jettent à la mer. On comprend que les paysans grecs aient d’abord cultivé les plaines, abandonnant aux forêts et aux bergers les pentes plus ou moins abruptes des montagnes. Avec le temps la population s’est accrue, les instrumens de culture se sont améliorés, le travail personnel du cultivateur a décuplé. Aujourd’hui les plaines sont presque toutes en rapport. Je pourrais donner ici des chiffres ; je me contenterai d’un fait entre mille. En 1848, j’ai parcouru sur une grande partie de sa longueur le rivage péloponésien du golfe de Corinthe ; on n’y voyait alors que quelques vignes, groupées çà et là autour d’assez pauvres hameaux ; les grandes plaines de l’Élide, en face de Zante, étaient incultes et garnies d’une petite végétation sauvage ; aujourd’hui ce long espace accidenté qui va de Corinthe à Pyrgos est un vignoble continu et florissant ; c’est lui qui fournit presque tout le petit raisin sec consommé surtout en France et en Angleterre. La culture gravit maintenant les terrains montagneux partout où le sol peut être travaillé. Quand on passe au sud de l’Italie et que par le détroit de Messine on remonte vers Naples, on voit des montagnes divisées en carrés de culture de la base au sommet. La Grèce tend à prendre cet aspect ; mais elle ne le prendra pas, attendu que ses montagnes sont presque toutes rocheuses et n’admettent pas une culture superficielle. Sur les côtes de Calabre, entre Ancône et Brindisi, le cultivateur italien a miné la roche, y a disposé de petits bassins, dans chacun desquels il a mis un olivier, un figuier ou un caroubier; ce sont aujourd’hui de beaux arbres, et ce rivage stérile est devenu productif. Le paysan grec a commencé à faire de même. A Athènes, le bois de plus du Lycabette, maintenant grand et fort, a été semé de cette manière en 1873 par feu le colonel Manitakis, autrefois directeur des travaux publics et ancien élève de nos écoles.

Mais enfin, quand le laboureur en vient à tirer parti des rochers après avoir utilisé la plaine, on peut dire que la marche de la culture en superficie touche à sa limite. C’est en cela surtout que, malgré l’annexion de la Thessalie, les Hellènes peuvent dire : Nous étouffons dans nos étroites frontières. Cependant la culture appelée