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royaume s’accrut de la Thessalie et d’une portion de l’Épire. Aujourd’hui, par toutes ces causes réunies, la population du royaume hellénique est à peu près égale à celle de Paris. Mais, pour apprécier l’œuvre qu’elle accomplit, on ne doit pas pousser plus loin la comparaison, car la population parisienne est entièrement urbaine et l’enceinte de Paris ne renferme qu’une très petite proportion de jardins maraîchers et de champs cultivés à la charrue : elle abrite surtout des industriels et des marchands, des gens de lettres et de science, des financiers, des avocats, des artistes, des politiques et des riches occupés de leurs plaisirs. Toutes ces personnes, riches ou pauvres, ne produisent à peu près rien de ce qui les nourrit; elles transforment et consomment. Les deux millions et demi d’Hellènes sont dispersés dans les plaines et les montagnes, sur les rivages et sur la mer ; on ne peut donc pas exiger d’eux les mêmes choses qu’on est en droit de demander à la population d’une grande capitale. A chacun suffit son rôle : Paris ne fournirait pas les trente mille marins que le royaume de Grèce a sur la Méditerranée.

En Grèce, comme ailleurs, les centres de population se sont accrus et grandissent chaque jour aux dépens surtout de la population rurale. Plusieurs causes favorisent cet accroissement des villes, et en particulier d’Athènes. Beaucoup de gens sont attirés vers la capitale par l’espoir d’y trouver un emploi, par les moyens d’étude qu’elle fournit, par l’étendue et la diversité de ses négoces, par le désir de spéculer avec bénéfice et par l’amour du plaisir. Quand je vis Athènes pour la première fois, il y a quarante ans, c’était une ville d’à peu près 27,000 âmes; elle en compte aujourd’hui environ 100,000, cela donne un accroissement moyen de plus de 1,800 habitans chaque année. Le Pirée, à 6 kilomètres d’Athènes, en comptait 3,000; il en compte aujourd’hui 35,000 et croit sans interruption. Sa population était agglomérée le long du port; ses longues rues, garnies d’élégantes maisons, couvrent maintenant les collines de Phalère et de Munychie. Elle a des jardins, des places spacieuses, une belle promenade qui fait le tour des collines le long de la mer et ne le cède en rien à celle du Pausilipe de Naples. Le Pirée a un théâtre, une bourse de commerce, de vastes réservoirs pleins d’eau de source, des quais bien construits et parcourus d’un bout à l’autre par un chemin de fer. Il compte plus de trente usines à vapeur, une foule de commerces et de métiers. C’est une ville entièrement européenne.

Quant à la ville d’Athènes, j’ai sous les yeux une notice faite par M. Sp. Lampros sur ce qu’elle était avant la création du royaume. En 1674, la ville paraît avoir contenu de 8 à 9,000 âmes, et vers la fin du siècle environ 15,000, y compris 1,000 ou 1,200 Turcs. En 1813, d’après le voyageur Holländer, il n’y en avait plus que