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niches étaient au nombre de seize d’un côté, de treize de l’autre ; une mosquée s’intercalait dans la série de droite, un grand foudouk dans la série de gauche. Le terrain reconnu, le commandant Changarnier fit ses dispositions en conséquence.

Au Mansoura, ce fut le général Trézel qui eut la direction de l’attaque. Un détachement de sapeurs, conduit par le colonel Lemercier et le capitaine Hackett, devait faire sauter successivement les deux portes; à défaut de pétards, ils entasseraient contre les vantaux des sacs de poudre chargés de sacs à terre ; dès que la double explosion aurait fait son œuvre, la compagnie franche du capitaine Blangini, suivie du 59e et du 63e, se jetterait dans la place et l’occuperait coûte que coûte. La nuit vint; dans un ciel splendide, sans nuages, la lune éclairait encore mieux que la veille la porte et ses abords. Quand, à minuit, dans l’étroit défilé du pont qui n’avait pas huit pieds de large, les sapeurs s’élancèrent, un feu terrible les accueillit; beaucoup tombèrent, morts ou blessés, obstruant la voie, les sacs de poudre roulant confondus avec les sacs à terre. Sur un ordre mal compris, la compagnie franche vint augmenter l’encombrement et le désordre. Dans cette foule confuse et compacte, pas un coup de feu n’était perdu; le général Trézel eut le cou traversé par une balle. A s’obstiner dans cette échauffourée, on eût sacrifié sans aucun espoir tout ce qui survivait sur ce pont de malheur. Le colonel Lemercier ordonna la retraite; les blessés ne purent être relevés qu’au prix d’autres morts et de nouvelles blessures.

Au Coudiat-Aty, au même instant, c’était le même carnage. Vers sept heures, un officier d’état-major, qui avait pu traverser le Roummel à cheval, avait apporté au général de Rigny les instructions détaillées du maréchal Clauzel. D’après ces instructions, l’attaque devait être faite par le lieutenant-colonel Duvivier, à la tête du bataillon d’Afrique. Le commandant Changarnier, que le général avait désigné d’abord, réclama vainement contre cette substitution ; l’ordre était formel. Un peu avant minuit, le bataillon d’Afrique se mit en marche, précédé d’un détachement de treize sapeurs portant des pioches, des haches, un sac de poudre, sous les ordres du capitaine du génie Grand, et suivi de deux obusiers de montagne amenés par le lieutenant d’artillerie Bertrand. Arrivé au faubourg, Duvivier posta son infanterie à droite et à gauche, derrière la mosquée, le long des maisons, dans les boutiques ; puis il fit avancer, jusqu’à trente pas de la porte, les deux obusiers, qui ne purent tirer qu’une seule salve. La rue, balayée par les balles et la mitraille, se jonchait de blessés et de morts. Le sac de poudre, dont le porteur avait été tué sans doute, ne put pas être retrouvé ; ceux qui avaient couru jusqu’à la porte, avec le lieutenant-colonel et le