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accusait de malversations, de manœuvres frauduleuses, et les malveillans insinuaient que le général pouvait bien y avoir eu part. Une plainte fut adressée au maréchal Clauzel, qui se trouvait alors dans la province d’Oran, entre l’expédition de Mascara et celle de Tlemcen. Sans y regarder de plus près, il invita le procureur-général, M. Réalier Dumas, à se rendre à Bône pour y faire une enquête sur les faits dénoncés, et il informa de cette mission le ministre de la guerre. L’enquête détruisit la plus grosse part des imputations alléguées contre les deux Maures, et mit tout à fait à néant celles qui visaient indirectement le général ; la probité de sa conduite et la loyauté des acquisitions qu’il avait faites furent, au contraire, reconnues et proclamées avec éclat, à la confusion de ses calomniateurs. Malheureusement le ministre de la guerre n’avait pas attendu le résultat de l’enquête; sur la seule vue de la lettre du maréchal Clauzel, il avait décidé la mise en disponibilité du commandant de Bône. Cette brusque décision, dont l’exécution appartenait au gouverneur général, le surprit et le désola sincèrement. « La sévérité de cette mesure, s’empressa-t-il d’écrire d’Alger au maréchal Maison, le 11 mars, me fait un devoir d’entrer dans quelques explications que je regrette vivement de ne vous avoir pas soumises dans ma lettre, écrite d’Oran, peu de temps après mon retour de Mascara. Cette lettre avait surtout pour objet de vous prévenir de la mission du procureur général. Je pensais que vous voudriez en connaître le résultat, avant de prendre aucune mesure à l’égard du général d’Uzer, qui n’était pas personnellement attaqué. Il faut reconnaître que, sous les rapports politiques et militaires, cet officier général n’a mérité que des éloges ; il a maintenu avec habileté la tranquillité et la paix dans le pays confié à son commandement ; il a vigoureusement châtié, quand il l’a jugé nécessaire, les tribus qui se montraient hostiles, et, jusqu’à une assez grande distance de Bône, elles sont toutes dans un état de soumission très favorable à nos projets sur Constantine. Sa réputation de capacité et d’habileté ne peut recevoir aucune atteinte, et je serais désolé d’avoir pu, sans aucune intention, lui nuire en portant à votre connaissance l’objet de la mission de M. le procureur général à Bône. Le général d’Uzer commandait sous mes ordres, en 1830, une brigade en Afrique; mes sentimens d’estime pour lui n’ont point changé depuis lors, et je regarde comme un devoir d’en renouveler l’expression dans un moment oui il est l’objet d’une mesure sévère. » Ce fut au tour du ministre d’être embarrassé. « Il paraît, écrivit-il en apostille sur la lettre du gouverneur, que le maréchal Clauzel n’a pas assez réfléchi quand il a porté une accusation qui ne laissait au ministre d’autre parti à prendre que celui qu’il a pris. » Ce fut le général d’Uzer qui aida