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depuis l’année 1834, de quelques fonctionnaires civils ; comme ils avaient peu de chose à faire, ils étaient pointilleux, agressifs, entreprenans, au-delà du cercle de leurs attributions; de là, comme à Bougie, des conflits répétés avec l’autorité militaire. Enfin, le général avait fait dans le pays des acquisitions de terres, et ses ennemis ne manquaient pas de dire que, dans ces transactions, il avait abusé de son pouvoir.

Parmi ceux qui acceptaient sans contrôle cette fâcheuse imputation, le général d’Uzer avait eu le chagrin de rencontrer un de ses subordonnés, un officier de grande valeur, le lieutenant-colonel Duvivier. Rentré en France, à la suite de son différend avec le commissaire civil de Bougie, renvoyé, quelque temps après, à la disposition du maréchal Clauzel, Duvivier avait reçu, au mois d’octobre 1835, le commandement des spahis réguliers et irréguliers de Bône. On a déjà pu voir qu’avec de très grandes qualités morales et militaires, il était un subordonné difficultueux et peu docile; à plusieurs reprises, le général d’Uzer fut obligé de lui rappeler et de lui marquer nettement la limite de ses droits. Duvivier en conçut une vive irritation ; le 15 décembre, il écrivit au maréchal Clauzel la lettre suivante : «Monsieur le maréchal, j’ai l’honneur de vous demander, comme une grâce, de me rappeler immédiatement à Alger. Les désagrémens, bien pénibles, que j’ai éprouvés à Bône en sont la cause. Depuis que je suis en Afrique, j’ai souvent payé de ma personne comme simple soldat ; j’ai eu quelques beaux faits d’armes et j’ai commandé dix-huit mois à Bougie d’une manière honorable; j’ai fait abnégation complète de mes intérêts personnels, dépensant une partie de mon propre avoir, non pour mes plaisirs, mais pour le service, négligeant tout moyen, toute acquisition facile et favorable, ne pensant jamais à occuper d’autre terre que quelque six pieds dans une gorge de montagne. » L’allusion était claire et d’autant plus blessante qu’elle devait régulièrement passer sous les yeux du général d’Uzer. Avec une modération bien méritoire, celui-ci se contenta de renvoyer la pièce à son auteur, en y joignant cette simple apostille : « M. le lieutenant-colonel Duvivier a oublié qu’il devait s’adresser à M. le lieutenant-général Rapatel, et je l’engage à lui écrire une lettre plus convenable, s’il veut que je la transmette. » Duvivier ne fut rappelé qu’au mois de mars 1836 ; du mois de mai au mois d’août, il exerça par intérim, en l’absence du lieutenant-colonel Marey, les fonctions d’agha des Arabes dans la province d’Alger.

Presque en même temps que Duvivier, le général d’Uzer avait quitté Bône. Parmi les indigènes qu’il employait le plus souvent dans ses relations avec les Arabes, deux surtout, Moustafa ben Kérim et le cadi de la ville, étaient en butte à l’animosité des colons ; on les