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fût, la résistance d’Abd-el-Kader, s’il permettait notamment à ses sujets du Rif de violer la frontière et d’aller se joindre aux partisans de l’émir. Ce fut un aide-de-camp du ministre de la guerre, le lieutenant-colonel de La Rue, qui fut chargé de cette mission. Il se montra menaçant, impérieux, inflexible; après deux mois de séjour au Maroc, il en revint avec les plus belles promesses de neutralité et les plus humbles protestations de respect et de considération pour la France.

Pendant ce temps, le maréchal Clauzel n’avait pas cessé de négocier avec le ministre de la guerre. Il demandait, tant pour l’expédition de Constantine que pour la sécurité de toute l’Algérie, 30,000 hommes de troupes françaises, 5,000 réguliers indigènes et 4,000 irréguliers soldés seulement pour le temps de l’expédition. Le maréchal Maison lui accorda 30,000 hommes, mais en y comprenant les zouaves et les spahis réguliers, considérés comme troupes françaises ; quant aux irréguliers, il parut disposé à lui en concéder 4 ou 5,000. Là-dessus, et s’exagérant encore l’effet des dispositions favorables du ministère, le gouverneur s’empressa d’adresser de Paris, le 2 août, au général Rapatel, une longue dépêche qui était tout un programme d’action militante et immédiate : « Général, disait-il, un système de domination absolue de l’ex-régence est, sur ma proposition, définitivement arrêté par le gouvernement. Les opérations qui devront avoir lieu dans chaque province se feront simultanément et de manière à ce que la campagne qui va s’ouvrir atteigne le but définitif que l’on se propose : occuper toutes les villes importantes du pays ; y placer des garnisons ; établir des camps et postes retranchés au centre de chaque province et aux divers points militaires qui doivent être occupés d’une manière permanente ; masser sur un point central, dans chaque province, des troupes destinées à former une colonne mobile. Voilà mon plan d’occupation ; il s’agit maintenant d’une exécution prompte, vigoureuse, complète. »

Pendant l’absence du maréchal Clauzel, un fait grave, désastreux pour le prestige de l’autorité française, s’était produit à Médéa. Cinq semaines après son installation effective et la visite que le général Desmichels lui avait faite, le vieux bey Mohammed-ben-Hussein avait été attaqué par Sidi-Mbarek-el-Sghir et par toutes les tribus du voisinage. Réduit à ses coulouglis, trahi par les hadar, qui livrèrent aux assiégeans une porte de la ville, forcé dans la kasba, il avait été fait prisonnier et conduit enchaîné dans l’ouest. Qu’était-il devenu? On le sut plus tard. « Concevez-vous, écrivait au mois de décembre 1836 le lieutenant-colonel de La Moricière, concevez-vous quelque chose de plus humiliant pour la France que la prise de notre bey de Médéa? Vous figurez-vous ce malheureux qu’on nomme partout