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Il résiste sur quelques points où les concessions seraient trop criantes, soit ; mais, en définitive, il n’a pas, il ne peut avoir sérieusement une politique, parce qu’on ne fait pas une politique sérieuse avec des impatiences intermittentes d’autorité, avec des velléités inévitablement suivies de défaillances ou de capitulations. A vrai dire, il n’est sûr de rien, pas même de pouvoir maintenir le lendemain ce qu’il aura dit la veille. Il est réduit à vivre d’expédiens, à essayer de ressaisir une majorité en l’occupant ou en l’amusant.

Que fait-il pour le moment? Il s’est figuré, à ce qu’il semble, apaiser ou gagner la chambre en allant au-devant d’une de ses fantaisies d’économie, en lui livrant quelques malheureux sous-préfets qu’on supprimerait pour faire honneur à un vote de hasard : c’est la grande réforme sur laquelle il paraît compter ! Le chef du cabinet ne demanderait pas mieux, on le sent bien, que de préserver l’institution, et il croit la sauver en sacrifiant un certain nombre de sous-préfectures : il ne réussira qu’à désorganiser un peu plus l’administration sans réaliser une économie, et peut-être même sans désarmer la chambre, qui, après avoir voté contre les sous-préfets, pourrait bien maintenant voter contre une réforme d’un médiocre intérêt. Et ce que M. le président du conseil fait dans l’administration, M. le ministre des finances le fait à son tour avec son budget, qui est le cinquième ou le sixième présenté depuis quelques mois et qui est encore moins sérieux que les autres, qui enveloppe de petits artifices des emprunts et des impôts qu’on n’ose avouer, sans toucher à la vraie question. Ce n’est pas M. le ministre des finances, on peut d’avance le dire, qui sauvera le cabinet. En réalité, M. le président du conseil, par sa position entre les conservateurs qu’il s’est depuis longtemps aliénés et les radicaux qu’il a blessés, qu’il irrite, s’est créé une impossibilité de gouverner. C’est là sa faiblesse ; c’est ce qui le met à la merci du premier scrutin venu. C’est ce qui fait enfin que l’opinion sceptique et curieuse qui ne croit pas à sa durée, lui cherche déjà des successeurs et voit peut-être plus d’importance qu’il ne faudrait dans ces rencontres de deux anciens présidens du conseil, de M. de Freycinet et de M. Jules Ferry à l’Elysée.

Eh bien ! soit, M. de Freycinet et M. Jules Ferry se sont rencontrés avec M. le président de la république autour d’une table d’échecs ou dans un salon de l’Elysée, voilà qui est entendu, qui a été enregistré par les historiographes ! Ils n’ont pas comploté une crise ministérielle, c’est vraisemblable, M. le président de la république ne se serait point sans doute prêté à ce jeu. Ils se sont du moins entretenus de la situation, des difficultés parlementaires, de l’éternelle nécessité de réunir toutes les forces républicaines pour former une majorité sans laquelle rien n’est possible. C’est fort bien, et après? En est-on plus avancé.