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REVUE MUSICALE

Théâtre de l’Opéra : Patrie! opéra en cinq actes et six tableaux, paroles de MM. Victorien Sardou et L. Gallet, musique de M. Paladilhe.

Si le moi n’était haïssable, nous aimerions, en abordant l’œuvre de M. Paladilhe, témoigner à l’auteur une sympathie particulière, et nous réjouir personnellement de son succès. C’est un peu à lui que nous devons d’aimer la musique et d’oser parler d’elle Quand l’élève avait à peine l’âge du Passant, il ne se doutait pas qu’un jour il lui faudrait juger Patrie ! S’il a ici le devoir délicat de critiquer son maître, il a du moins, et s’en réjouit, le bonheur de pouvoir le louer.

Paladilhe! un joli nom de musicien, ailé comme une chanson de printemps, comme ce refrain du mandoline, rayon du soleil italien, que l’auteur du Passant rapporta de là-bas avec sa vingtième année. En 1872, M. Paladilhe ajouta de la musique à l’harmonieuse idylle de M. Coppée. Fleur sur fleur, ainsi que dit la reine Gertrude, semant de roses le cercueil d’Ophélie. C’était bien une double fleur, cette rêverie aux étoiles du ciel toscan, dialogue sentimental entre la belle donneuse d’amour et le gai chanteur d’avril. Il y avait çà et là dans le Passant de charmantes choses, entre autres, une vue lointaine et vaporeuse de Florence endormie au clair de lune; partout la grâce de l’adolescence. Cette musique était la fille encore très jeune d’une autre musique illustre et féconde : déjà la terrasse de Silvia touchait au balcon de Marguerite et de Juliette. Jamais depuis le Passant; ni dans l’Amour africain, tué par un livret extraordinaire; ni dans le mélodieux opéra comique de Suzanne, une fine gravure anglaise; ni dans ses lieder les plus délicats ou les plus pathétiques : le Rouet, la Chanson du Pécheur, les Papillons, jamais M. Paladilhe n’a perdu de vue les grands maîtres, surtout le dernier de tous, son maître à lui, M. Gounod.