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LE
BOSQUET DU ROI

— Pardon, jeune homme, pourriez-vous m’indiquer le chemin du Bosquet du roi ? demanda un jour, avec un accent anglais très prononcé, un cavalier âgé d’environ quarante-cinq ans, dont l’extérieur austère et la prononciation saccadée, dénotaient à la fois un Anglais et un clergyman.

La question s’adressait à un jeune campagnard, qui gravissait à cheval l’interminable côte qui mène de Villepreux à Saint-Nom.

— Si vous voulez bien, monsieur, nous ferons route ensemble, répondit-il ; une démonstration vaut toujours mieux qu’une explication.

Le touriste portait une longue redingote noire boutonnée jusqu’au menton, laissant seulement dépasser la ligne blanche d’un faux col. Près de lui se tenait sa fille. Tous deux montaient des chevaux de sang, fins et élégans, contrastant du tout au tout, avec le lourd et vigoureux cheval normand que le cultivateur montait à poil, les jambes pendantes, un long fouet passé autour du cou. Les traits en corde du harnachement étaient relevés sur la croupe bien doublée du cheval, qu’attendait dans une prairie voisine une charrette chargée d’hivernache.

Huit heures sonnent lentement à l’église du village de Villepreux ; d’autres horloges y font écho ; la matinée est calme et pure. Le soleil, déjà haut, éclaire le paysage d’une lumière transparente. À droite, s’abaisse en pente douce, jusqu’au fond de la plaine, le versant d’une colline dont les cultures, de couleurs bien tranchées, offrent à l’œil des bandes de terre étroites et longues, mollement ondulées, sans clôture et sans fossé ; on dirait une immense pièce