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de la classe des fermiers, dans le montant de leurs dépôts dans les banques.

M. Gladstone passait outre à toutes ces objections et affirmait que le gouvernement, en instituant une commission d’enquête sur les effets de la loi de 1881, avait reconnu par cela même comme bien fondées les assertions de M. Parnell. Il avoua ingénument que bien peu des détails du projet de loi lui agréaient, pris à part, mais qu’il en aimait l’ensemble et qu’il était décidé à voter pour le bill, le considérant comme indispensable au bien-être de l’Irlande et à la sécurité de l’Angleterre.

Le soir du second jour, après une réplique vigoureuse de M. Hicks Beach, le bill fut rejeté par 346 voix contre 250[1].

Une courte période de calme suivit la séparation des chambres. Le cabinet conservateur put espérer que ses succès répétés devant le pays et dans le parlement tiendraient en échec les promoteurs patentés de l’agitation irlandaise, que la fermeté de ses déclarations, le bon sens de la population, et cette lassitude même des choses qui suit les grandes crises, démentiraient les prévisions sinistres de M. Parnell. Dans les derniers jours de septembre, ministres et hommes d’état prirent donc leur volée dans toutes les directions, en quête de distractions trop longtemps retardées. Le marquis de Salisbury n’alla pas plus loin que Dieppe ; mais M. Chamberlain s’en fut étudier à Constantinople les mystères de la question d’Orient ; lord Randolph Churchill se transforma en un certain M. Spencer dont les pérégrinations à Berlin, en Saxe, en Autriche et à Paris déroulèrent les plus fins limiers du reportage. M. Gladstone, retiré à Hawarden-Castle, se plongea dans l’étude des origines les plus reculées du conflit anglo-irlandais, s’appliquant à dresser, pour l’édification du monde civilisé, la liste séculaire des méfaits de la nation britannique et de ses gouvernemens envers l’île sœur. Quant aux parnellistes, dont les desseins politiques semblaient ruinés pour longtemps, ils rentrèrent en Irlande pour y provoquer cette guerre agraire dont leur chef avait menacé le marquis de Salisbury.

Ils trouvèrent, d’ailleurs, un terrain bien préparé. Il y avait sans doute une part sérieuse de vérité dans les souffrances dont la peinture avait été faite au parlement par les représentans de l’Irlande, car une campagne s’organisait déjà pour la résistance aux prétentions

  1. Avec le groupe compact des 318 conservateurs ont voté, le 22 septembre, une trentaine de libéraux unionistes. Le groupe radical s’est abstenu. Les noms de MM. Chamberlain, Bright, Rylands, Collings, etc. ne figurent point parmi les votans. Leur abstention même, par suite de la répartition des forces dans le parlement, était encore un concours donné au gouvernement.