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Le gouvernement n’était point préparé à présenter dans cette session un projet quelconque d’organisation politique concernant l’Irlande. Lorsqu’il viendrait à traiter cette question, c’est-à-dire dans la session prochaine, il proposerait une solution impliquant de sérieuses réformes dans le sens du self-government local, mais applicables au Royaume-Uni tout entier, à l’Irlande au même titre qu’aux autres sections du pays. Touchant le problème agraire, le cabinet avait l’intention de considérer la loi foncière de 1881 comme un règlement final. Il n’admettait pas, comme on s’efforçait maintenant de le faire croire à la population britannique, que les rentes judiciaires fixées conformément aux stipulations de cette loi, eussent été rendues trop élevées par l’avilissement des prix des produits agricoles, et que le paiement de ces rentes fût devenu réellement impossible. Toutefois, le cabinet avait décidé de nommer une commission royale (ici les parnellistes rirent aux éclats, chargée de faire cet hiver une enquête pour établir dans quelle proportion l’impossibilité, alléguée par les fermiers, de payer leurs fermages, pouvait être due à l’avilissement des prix ou simplement à une pression exercée par la Ligue nationale. Une autre commission aurait pour tâche d’éclairer le gouvernement sur la situation industrielle en Irlande, sur les moyens de développer les ressources naturelles de ce pays, sur les améliorations et travaux publics dont il convenait de le doter. Toute la politique irlandaise du gouvernement était et resterait fondée sur le verdict du pays, verdict définitif rendu en faveur du maintien de l’union.

Les parnellistes, cherchant dans les déclarations du gouvernement le défaut de la cuirasse, crurent le trouver dans ce luxe de commissions dont s’entouraient les nouveaux ministres. Commission pour les taux des fermages, commission de l’industrie irlandaise, commission des troubles de Belfast, sans compter les commissions déjà instituées pour des questions purement anglaises ! Quel fond d’ignorance se cachait donc sous ce besoin de réunir tant de matériaux d’étude ! Et les gladstoniens de couvrir de sarcasmes ce « gouvernement par enquêtes » qui en prenait bien à son aise, comme si l’Irlande avait le loisir d’attendre que lord Salisbury eût fini d’observer et de s’informer ! Pendant ce temps, les souffrances devenaient intolérables en Irlande et une crise terrible allait éclater à l’entrée de l’hiver. Puisque le gouvernement prétendait ne rien proposer, ne rien faire, M. Parnell n’avait plus qu’à s’adresser à la chambre, et il déposa un amendement à l’adresse, portant qu’il était nécessaire, par un acte législatif, d’empêcher les landlords de procéder à des évictions en masse contre leurs fermiers et de réduire le peuple irlandais à la plus affreuse misère. M. Gladstone appuya l’amendement, se portant