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que ces hautes crucifères touchent l’épaule du promeneur. Mais, par-dessous germent des plantes plus armées, des chardons à fleur rouge qui, en moins de quinze jours, atteignent la taille d’un homme ; quinze jours après, ils dépassent par place la tête d’un cavalier. Plus tardivement encore une nouvelle espèce de chardons se fait jour : ses fleurs jaunes sont à cette époque les seules couleurs un peu vives de la plaine. C’est le milieu d’avril, l’herbe déjà se dessèche ; huit ou dix jours encore il sera impossible de circuler à pied ou même à cheval. Ces plantes épineuses, dans lesquelles montures et cavaliers disparaissent font aux jambes de cruelles piqûres, et les bêtes refusent d’avancer. Puis ces chardons eux-mêmes se dessèchent ; tout est jaune et désolé jusqu’aux dernières limites de l’horizon. La chaleur du jour est suffocante, les moustiques troublent le repos des nuits; le pays est devenu inhabitable même pour ceux qui ont le moins de souci du confort.

Dans cette rapide esquisse, j’ai nécessairement négligé les plantes plus timides que l’observateur découvre en écartant les plus encombrantes : myosotis, véroniques délicates enfouies sous la fougueuse montée des autres plantes, roses trémières aux larges fleurs toutes blanches, comme anémiées et décolorées par la grande chaleur. Et ceci n’est pas simplement une figure, j’ai bien souvent observé dans les hautes vallées où l’air est plus frais, ou dans les jardins de Ram-Hormuz sous l’ombre épaisse des palmiers et des grenadiers, les mêmes plantes produisant des fleurs roses comme dans nos climats tempérés.

C’est au résumé une végétation violente mais monotone; il n’y a aucune plante qui séduise l’œil par l’élégance de sa forme, aucune fleur qui se fasse remarquer par la beauté de ses couleurs ou la finesse de son parfum. Trop peu d’espèces ont pu prospérer dans des conditions de climat si spéciales.

Les arbres spontanés que l’on rencontre sont peu nombreux. Au long des fleuves règnent des forêts de saules et tamaris ; mais elles ne s’étendent pas loin de la rive. Dans les parties un peu pierreuses de la plaine, en approchant du pied des montagnes, on trouve épars ou groupés en bouquets un arbre que les Persans appellent le konar.

Par les soins de l’homme prospèrent dans les parties cultivées : les dattiers, les grenadiers, les orangers et les citronniers.

Dans ce désert herbeux vit tout un monde d’animaux. Comme pour les plantes, il y a peu d’espèces différentes, mais beaucoup d’individus. C’est un fait fort curieux que, sous ce ciel brûlant, on ne trouve aucun de ces insectes aux mille couleurs, dont le corps porte les dessins les plus compliqués et les nuances les plus vives ou les plus délicates. Par suite de la faible quantité de fleurs, par