Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été décoré de la croix de Saint-Louis. Répandu d’ailleurs et bien vu dans la meilleure société, littérateur et bel esprit, il avait su acquérir l’estime et la confiance de Mme de Simiane. Il venait d’atteindre la cinquantaine, et ses relations avec le plus haut monde, ses prétentions de poète, son affectation même d’un titre jusqu’alors réservé aux seuls gentilshommes, contrastant avec l’humilité de son origine, avaient dû lui créer des envieux, même des ennemis dans la classe des anciens égaux de son père. Son ambition, justifiée d’ailleurs par les liaisons qu’il avait su se créer, était alors d’aller à Paris briller sur un plus grand théâtre, de s’y pousser à la suite de quelque illustre personnage, enfin de faire partie de ce monde du XVIIIe siècle, alors dans sa fleur, surabondant de vie, d’élégance et de mouvement.

C’est à ce résultat souhaité que devait le conduire la publication authentique et pour la première fois autorisée des lettres de Mme de Sévigné, s’il obtenait que les originaux lui fussent remis. Il n’épargna rien pour y parvenir et se servit de cet argument spécieux, qu’à des éditions fautives, à un texte défiguré, de nature à porter injure à la mémoire de son aïeule et à faire douter de son esprit, Mme de Simiane n’avait qu’à opposer les lettres véritables, revues par lui, imprimées sous sa direction et purgées de toutes les négligences prétendues, échappées au courant de la plume. On sait que le chevalier réussit dans son entreprise et que de là sortirent les quatre volumes de l’édition de 1734. Les passages blessans pour quelques grands personnages furent, en effet, supprimés ou adoucis ; mais il en resta d’autres qui échappèrent à l’éditeur ou dont celui-ci ne saisit pas tout d’abord la portée. Homme de lettres prétentieux, mais non sans talent, il amputa ou alourdit en toute sûreté de conscience une foule de passages qui ne seront jamais rétablis. — Dans sa préface, il insiste sur les incorrections de l’édition de La Haye, et l’on est surpris de reconnaître par ses citations qu’elles se réduisent uniquement à des étourderies de copiste ou à des erreurs de ponctuation et ne tiennent jamais à des suppressions calculées ni même à des altérations. C’est en homme de goût que le chevalier de Perrin présente au public les lettres de Mme de Sévigné, dont il a revu avec soin le texte original. Il glisse sur les retranchemens qu’il a opérés, comme ayant trait seulement à des détails domestiques peu intéressans pour le public. Il est certain cependant qu’en dépit de ces précautions Mme de Simiane fut assaillie de plaintes, qu’elle eut des regrets profonds de ce qu’elle avait fait et qu’elle voulut même retirer au dernier moment, c’est-à-dire après l’apparition des quatre premiers volumes, l’autorisation de continuer.

Une lettre d’Anfossy au marquis de Caumont, écrite de Paris le