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anciens états, il mourut inopinément dans ce dernier endroit, à l’hôtellerie, dans la nuit du 30 au 31 décembre 1714. Il était âgé d’environ quatre-vingt-cinq ans et gouvernait la Provence depuis quarante-cinq ans. Il laissait une lourde charge à sa fille, Mme de Simiane, qui usa sa vie à poursuivre la liquidation de ses affaires.

M. de Simiane dut à la faveur du régent, dont il était premier gentilhomme, de succéder à son beau-père en qualité de lieutenant-général du roi en Provence. Sa nomination est du mois d’octobre 1715; mais il mourut trois ans après, âgé seulement de quarante-sept ans, et emporta dans sa tombe l’avenir déjà compromis de la famille. — Mme de Simiane est désormais seule, en face d’une situation des plus difficiles. Elle ne songe pas à s’éloigner de la Provence, où la retiennent tant d’intérêts matériels, soutenue qu’elle est par l’espoir de conserver, à force de soins, le château de Grignan, où sont gravés pour elle de si précieux souvenirs. Sans doute à ce moment de sa vie, déjà marquée de tant d’étapes douloureuses, elle fut souvent ramenée en arrière par la pensée ; elle chercha à revoir le passé, et elle dut feuilleter bien des fois cette correspondance où revivaient tant d’êtres déjà disparus et qui l’avaient aimée, dette correspondance même sortira bientôt de ses mains ; nous allons voir dans quelles circonstances et par quels moyens.


III. — MME DE SIMIANE ET LE CHEVALIER DE PERRIN.

Le portrait de Mme de Simiane n’est plus à faire ; les contemporains ont parlé de son charme pénétrant, de l’éclat de son esprit, de la fermeté de sa raison, de la sûreté de son commerce, qui lui valut des amis dévoués. Élevée par Mme de Sévigné et Parisienne dès l’enfance, plus tard dame de la duchesse d’Orléans et appréciée à la cour, elle n’occupa le rang qu’avait tenu sa mère en Provence que pour le perdre presque aussitôt et se vouer ensuite à une vie relativement effacée. Figure discrète, à demi voilée, estompée par !e malheur, fuyant l’éclat et renfermée dans un cercle limité, elle demeure pourtant grande dame ; attachée aux idées de sa famille, elle a comme elle ses préférences et ses éloignemens. Résignée à la vie un peu étroite de la province, elle n’oublie pas cependant qu’elle était destinée à en mener une autre et que les circonstances seules la lui ont enlevée.

Mme de Simiane avait marié sa fille aînée avec le baron de Villeneuve-Vence, en 1723, et la cadette au marquis de Castellane Esparron ;