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tambourin ; les amusemens ne nuisaient pas, loin de là, aux succès des sorties de nuit contre les travaux de l’ennemi ; celui-ci occupait déjà les hauteurs au-dessus de Sainte-Catherine, celles de Dardennes et même la colline de Lamalgue. Il avait ouvert la tranchée et poussait aux fortifications. L’attaque générale était commencée; le fort Saint-Louis, battu en brèche, tenait à peine, et la flotte anglaise allait prendre l’offensive. L’apparition de Tessé, qui leva enfin le camp d’Aubagne pour joindre Toulon avec seize bataillons, changea heureusement la face des choses.

Tessé avait d’autant plus raison de se hâter, que le roi venait de prendre la résolution d’envoyer en Provence le duc de Bourgogne et d’adjoindre à Tessé, sous les ordres du prince, le maréchal de Berwick, détaché momentanément de l’armée d’Espagne. Cette détermination de placer l’héritier de la couronne à la tête d’une armée disputant à l’ennemi le sol national et destinée, selon l’expression de Louis XIV, à rétablir son autorité au dedans du royaume[1], était des mieux justifiées; mais le maréchal ne dut être que plus impatient d’achever seul une opération habilement préparée par lui et dont il risquait de partager le mérite avec un général déjà célèbre par la victoire d’Almanza. Aussi, l’action s’engage à Toulon, le 15 août, dès la pointe du jour. Dillon et Le Guerchois prennent l’offensive. Ils ont gravi toute la nuit, par des sentiers de chèvres, pour reprendre la Croix-Faron. Au signal convenu, annonçant l’occupation du sommet, les Français se précipitent, conduits par le marquis de Goëbriant; les bataillons allemands sont culbutés, leur camp emporté avec le bagage et les tentes ; Sainte-Catherine est enlevée, ainsi que le plateau de Dardennes et la poudrière : le duc de Saxe-Gotha reste couché sur le champ de bataille. C’était un grand succès et la levée du siège rendue inévitable. Le bombardement de Toulon et du port, inutile démonstration de la flotte anglaise, n’empêcha pas l’évacuation des derniers postes occupés. Deux vaisseaux sur cinquante-cinq que contenait le port, furent seuls perdus par les bombes, et l’armée alliée, forcée de remettre avec précipitation sur la flotte son artillerie, ses blessés et le reste de ses munitions, dut reprendre le chemin du Var, qu’elle repassa, non sans pertes, le premier jour de septembre.

Le comte de Grignan, simple volontaire, puisque, en qualité de gouverneur, il ne pouvait exercer un commandement effectif, avait donné un bel exemple d’intrépidité à l’âge de soixante-dix-huit ans. Bravant les fatigues, comme les dangers, il avait assisté à toutes les affaires et, ne quittant pas Tessé, il était resté à cheval un jour

  1. Lettre de Louis XIV au maréchal de Tessé, du 14 août 1707.