Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes pour rallumer la guerre religieuse à peine étouffée par Villars.

L’insurrection du massif central des Cévennes, après avoir longtemps couvé chez des montagnards simples et passionnés pour leur croyance jusqu’à l’extase, avait trouvé un aliment dans les cruautés mêmes, au moyen desquelles l’intendant Basville avait cru la contenir et l’écraser. Surexcitant les haines contraires des catholiques, il les avait armés et réunis en imprimant à la lutte, devenue implacable, tous les caractères d’une guerre civile. A la suppression et au massacre des assemblées nocturnes, au supplice des prédicans et des voyans, dont beaucoup n’étaient que des enfans exaltés ou des filles mystiques, les protestans avaient répondu par la destruction des églises et presbytères, par l’extermination des prêtres et des collecteurs de dîmes. Ils avaient mis à leur tête, comme le firent plus tard les Vendéens, des chefs aussi jeunes que pleins d’énergie, dont les deux principaux, Rolland et Cavalier, se firent estimer de Villars lui-même par leur courage indomptable, uni à de vrais talens militaires. Cette guerre, toute de surprises, d’escarmouches, de marches et de contremarches, qui échappait aux règles de la stratégie ordinaire, était dans toute sa force en 1703. Elle s’étendait alors de Mende à la mer et pouvait être secourue de ce côté. Les Camisards refusèrent l’amnistie qu’on leur offrait et le maréchal de Montrevel, exaspéré, se mit à dévaster le pays, frappant d’amendes des paroisses entières et déportant en masse les populations. Les catholiques, de leur côté, s’étaient soulevés sous le nom de « camisards-blancs, » tandis que Cavalier, après avoir réussi à faire une trouée vers Anduze, livrait sans désavantage un combat acharné aux portes mêmes de Nîmes. C’est ce moment critique qu’avait choisi le duc de Savoie pour se joindre à l’empereur et trahir à la fois Louis XIV et ses deux filles. Rolland venait d’être tué et Cavalier, reconnu colonel, autorisé à lever parmi ses compagnons un régiment avec le libre exercice du culte, à l’exemple des régimens étrangers à la solde de la France. Soumis en apparence. Cavalier parut à Versailles; il alla ensuite en Alsace, mais pour passer en Suisse et de là en Piémont et y rejoindre les Vaudois et les réfugiés. Il y eut effectivement, dès 1705 et, par suite du dépit des alliés, de n’avoir pas secouru à temps les Camisards, des tentatives auprès de leurs chefs réfugiés à Genève pour leur persuader de recommencer la guerre, soulever jusqu’aux catholiques par des promesses de liberté religieuse et d’abolition d’impôts, enlever Basville, saisir le duc de Berwick, les évêques et les gouverneurs, sous la promesse d’être soutenus par une flotte anglo-batave qui aurait occupé Cette; mais la conspiration, promptement découverte,