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furent employées les milices nouvellement convoquées. — Le corps des milices, destiné à remplacer le ban et l’arrière-ban, dont l’insuffisance avait été reconnue, véritable armée ou réserve territoriale, avait été créé par Louis XIV, sous la menace d’une invasion de l’Europe coalisée, par un édit du 9 décembre 1688. La levée entière fut de vingt-cinq mille hommes et la Provence dut fournir un régiment de vingt compagnies, dont le commandement fut donné au marquis de Bacons. Le comte de Grignan apporta la plus grande ardeur à l’organisation de ce corps, qui devait lui être d’une utilité immédiate pour la répression des troubles suscités, moins en Provence que dans les provinces limitrophes, par la mesure de la révocation. Il avait à lutter contre l’opposition des communautés, qui avaient à leur charge les frais d’habillement, de chaussures et d’armement, proportionnellement au nombre d’hommes fournis par elles, et aussi contre le mauvais vouloir des militaires de profession, qui dépréciaient systématiquement les milices et affectaient de dire qu’il était impossible d’en tirer parti. M. de Grignan ne partageait pas ces idées; le côté pratique de l’institution, qui, d’ailleurs, sous différens noms, avait toujours existé en Provence, ne lui échappait pas et, dès le 6 mars 1689, il informe Louvois[1] que les officiers des dix compagnies[2] de milices « que la Provence met sur pied » sont choisis; ils ont été convoqués à Aix pour y recevoir « leurs commissions et les ordres et instructions nécessaires; chacun d’eux partira demain pour son département,.. » et l’on fera en sorte « que les cinq cents hommes de milice soient en état de marcher le vingtième de ce mois, comme Sa Majesté l’ordonne. » La lettre suivante, du 23 mars, annonce que les ordres ont été donnés pour faire « assembler le régiment de milices, dont M. le marquis de Bacons a le commandement, et réunir à Salon les compagnies dudit régiment. Elles commenceront d’y arriver dans deux jours,.. on ne perdra pas un moment de temps. »

Cette date critique de 1689 coïncide avec l’invasion et le sac du Palatinat, date rapprochée de celle du traité qui constitue la coalition contre la France. Tandis que Luxembourg gagne, en Belgique, la bataille de Fleurus, Catinat, envoyé sur les Alpes, lutte pour refouler les Vaudois ou Barbets, que le duc de Savoie, sur le point de faire

  1. Extrait du Recueil des lettres, mémoires et états originaux écrits à M. de Louvois concernant la levée des milices, la convocation de l’arrière an, les nouveaux convertis et autres matières du dedans du royaume, vol. 903 et 904 de la série du Dépôt de la guerre. — Nous devons la connaissance de ces documens et de ceux relatifs au siège de Toulon à l’historien des Guises, de Philippe II et de l’émigration, M. H. Forneron.
  2. On voit qu’au lieu des vingt compagnies réglementaires on s’était contenté, pour le début, d’en mettre sur pied la moitié.