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quand Rome aura cessé de nous reconnaître le rang que sa patience nous garde encore, comment nous maintiendrons-nous et ferons-nous la guerre aux puissances catholiques de l’Europe pour protéger leurs nationaux malgré elles? Heureux si nos propres missionnaires, condamnés par notre politique à un abandon qui est la ruine de leur œuvre, ne sont pas réduits à accepter eux-mêmes, pour eux et pour leurs fidèles, la tutelle d’un de ces états catholiques, aujourd’hui encore nos cliens, et si les conquêtes de vertus françaises et d’un sang français ne viennent pas accroître l’influence de nos rivaux!


VII.

Une seule raison légitimerait l’abandon par la France de son rôle traditionnel. Les religions, parfois, déclinent et disparaissent. Si le catholicisme est une religion morte ou mourante, les politiques ont le droit de se séparer d’elle. Mais qu’ils jettent un regard sur le monde et qu’ils disent quelle religion occupe une plus grande place dans la politique des états.

Le rang que la France va abandonner, peut-être, est disputé déjà par l’Autriche et par l’Italie. La première, où qu’elle porte ses regards, constate l’importance de son union avec le catholicisme. Si l’espoir secret de reprendre sa place en Allemagne la tentait jamais, elle se souviendrait que les divergences confessionnelles demeurent comme une cause latente de conflits, entre la Prusse et les états catholiques de l’Allemagne nouvelle. Si l’Autriche laisse détourner vers l’Orient le cours définitif de ses destinées, les peuples slaves se présentent à sa tutelle, mais disputés par d’autres protecteurs. La péninsule des Balkans a tour à tour appartenu à tant de maîtres, les races diverses y sont à ce point mêlées, que les nationalités ne s’y distinguent plus par le sang, mais par la foi. A l’influence orthodoxe l’Autriche oppose l’influence catholique. Les Slaves de cette religion l’ont, pour la plupart, partie de son empire, elle agit par eux sur ceux qui sont hors de ses frontières, et, pour assurer une base solide à sa propagande et des gages à ses futurs desseins, a assis son protectorat sur les communautés catholiques répandues comme des îles dans la vaste mer du monde orthodoxe. Elle se tient prête à étendre la main sur les communautés, autrement florissantes, dont la piété française a semé l’Asie-Mineure ; elle sait quelle puissance elle aurait acquise le jour où, en face de la Russie, elle s’établirait à Constantinople comme la mandataire de la religion catholique.

Plus catholique encore dans le passé, l’Italie a, pour devenir