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devront travailler sans son appui ; les diplomates ni les soldats ne sont au service des aventuriers qu’attire au dehors le soin d’intérêts étrangers à leur nation et suspects chez elle. Par cela seul que la puissance publique de leur pays cessera de les protéger, la puissance publique des contrées où ils pénètrent, et qui révère seulement les messagers de la force, fera tomber sur ces violateurs du culte, des usages, des vices nationaux le poids d’une haine sans péril. Aux martyres qui terminent tant d’apostolats, aux destructions sauvages qui ruinent tant de chrétientés, malgré la protection de nos armes et la certitude du châtiment, on peut mesurer ce qui restera des prêtres et de la propagande catholique le jour où le fanatisme des gouvernemens infidèles n’aura plus rien à redouter.

S’il se trouve des politiques disposés à croire que, pour maintenir l’ancien ordre des choses, il suffira d’une contradiction et que le même état pourra être au dedans le destructeur et au dehors le patron du catholicisme, ils se trompent. Non-seulement il se sera enlevé les moyens de maintenir son protectorat, il sera déchu de son droit à l’exercer. Ce droit est une délégation de l’autorité religieuse. La papauté a pu se reposer d’intérêts religieux dont elle a charge sur la France quand la France tenait à honneur son nom de puissance catholique, maintenant avec Rome une alliance séculaire, des rapports continus. Mais, du jour où la France aura répudié ce passé, où l’irréligion des lois, la dénonciation du concordat, la rupture des rapports diplomatiques, auront entre les deux puissances supprimé l’unité de vues, les engagemens et jusqu’à la parole, sous quel prétexte la papauté laisserait-elle le droit de représenter le catholicisme au pouvoir qui veut être étranger au catholicisme? A-t-elle, en conscience, le droit de se fier pour la protection des chrétiens à qui médite ouvertement la ruine du christianisme? Ne serait-ce pas une faiblesse coupable de maintenir ses dignités à cette fille aînée de l’église qui renie sa mère? Et les autres filles, toujours jalouses et demeurées fidèles, les autres puissances de l’Europe supporteront-elles plus longtemps un patronage qui, même justifié, coûtait à leurs intérêts, à leur orgueil ? S’imagine-t-on qu’elles consentent à laisser le soin de gouverner leurs communautés chrétiennes, dans les pays infidèles, à une nation qui aura abandonné au hasard sur son propre sol, comme chose vile, les destinées de l’église? La séparation leur fournira le prétexte qu’elles cherchent. Elles revendiqueront le droit de protéger leurs nationaux. Comment le saint-siège leur refuserait-il une faculté naturelle, et qu’elles sont prêtes à exercer dans l’intérêt de l’église, pour nous maintenir un privilège que justifiait seule la supériorité de notre zèle désormais tari? Et