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prises des hommes qui ne se lassaient pas, les uns de recevoir la mort et les autres de la donner.

Les adversaires actuels de l’église sont-ils capables de renouveler les exploits accomplis par Simon de Montfort ? Ont-ils hérité l’art des persécutions que possédaient les Césars ? Appesantiraient-ils sur le peuple la lourde main que le duc d’Albe étendit sur ses intimes ? Sont-ils seulement, ces familiers de l’expulsion, capables de chasser du territoire les catholiques comme Louis XIV chassa les réformés ? Les catholiques sont-ils, comme les chrétiens à Rome ou les protestans en France, une minorité en révolte contre les opinions régnantes, comme les juifs, une race partout exilée et suppliante au foyer d’une race victorieuse, comme les albigeois, une secte provinciale enclavée dans l’orthodoxie de la nation ? Les catholiques en France sont le nombre, dans un pays généreux même aux minorités, dans un siècle qui, même dans l’injustice, veut certaine douceur. Si, à d’autres heures, une politique d’extermination a été un crime, elle ne serait plus qu’une folie. Dès lors, que peuvent les persécuteurs incapables de grandes guerres ? Multiplier les petites, incommoder les catholiques, désoler leur patience. Ce sont là des épreuves que l’église a cent fois souffertes ; la puissance de ses adversaires se borne à ce qui ne peut la tuer. Ainsi, dans les procédures criminelles d’autrefois, la hiérarchie des tourmenteurs avait ses degrés. L’exécuteur des hautes œuvres seul maniait l’arme noble du supplice, l’épée. Donner la mort était un privilège et une dignité. Le soin de faire souffrir était remis à d’autres, valets du bourreau : leurs mains viles maniaient les instrumens de basse torture, mais n’avaient pas le droit de toucher à la vie.


IV.

Cette persécution impuissante à détruire l’église offre-t-elle des avantages à l’état ?

Les plus ardens à la lutte admettent que l’église survive ; leur cœur s’en console pourvu qu’elle souffre, et leur courage se persuade que l’entreprise est sans périls. Ils considèrent que tous les régimes ont fait campagne contre le catholicisme ; l’auteur du concordat est devenu le geôlier du pape, la restauration a fini par lutter contre l’influence ecclésiastique, la monarchie de juillet a tenu le clergé en une défaveur de dix-huit ans, le second empire a ruiné le pouvoir temporel de l’église. Quels embarras cette politique a-t-elle suscités ? Quelques protestations ont épuisé l’ardeur des plus zélés sans émouvoir même les autres. Pas un coup n’a été