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quand ses fidèles savent vouloir. Maîtres d’assurer le sort de l’église par un accord avec l’état, ils redoutaient et les inconstances de ce pouvoir et la mollesse des fidèles qui, se fiant sur lui de veiller sur leur foi, deviendraient peut-être incapables de la défendre. Ce n’est pas à l’état, c’est à chaque citoyen qu’ils résolurent de confier leurs intérêts les plus chers. Les libertés de réunion, d’association, d’enseignement, proclamées comme le droit commun du nouveau royaume, donnèrent à l’église le moyen de constituer sa hiérarchie, de répandre ses doctrines, d’assurer ses ressources. Elle n’avait pas besoin d’acheter par un traité avec le gouvernement des avantages que lui offrait sans conditions la générosité des lois. Ainsi l’église se trouva séparée de l’état On ne voulut pas que l’une des puissances dépendît de l’autre, mais le souci était moindre d’empêcher l’invasion de l’église dans l’état que celle de l’état dans l’église. Et ce régime était si peu de la part du pouvoir politique un système d’indifférence et d’abandon que nulle part les destinées nationales n’ont semblé plus unies aux destinées religieuses. L’état, représentant du peuple, s’est cru le droit et le devoir de professer pour l’église les mêmes sentimens que le peuple ; l’état, responsable de la paix et intéressé à la grandeur du pays, ne s’est pas interdit de penser que le développement des croyances est utile et leur déclin funeste à l’ordre. Peu importe que l’église soit une société particulière ; une société particulière peut être d’utilité générale, et l’état en doute si peu, qu’il favorise le recrutement du sacerdoce par la dispense du service militaire et assure la vie du clergé par des allocations puisées dans le trésor.

En résumé, où elle s’est établie, la séparation a eu pour causes soit la multitude des sectes entre lesquelles l’état ne pouvait choisir, et dont aucune n’était le culte de la majorité, soit un développement tel des libertés que l’initiative des fidèles suffisait à assurer ce culte et ne laissait plus rien à faire à la puissance publique. La séparation a eu pour but d’assurer avec l’indépendance la vie des églises. La séparation a eu pour auteurs des hommes faits à l’image du peuple, c’est-à-dire, comme lui, pénétrés du sentiment religieux.


II.

La France est un pays d’unité. L’unité religieuse, gardée jusqu’à la révolution par les lois, s’est en tout temps maintenue par les mœurs : le catholicisme y domine à ce point que les autres cultes sont tous ensemble comme perdus dans la puissance de celui-là. L’unité politique s’est faite par la ruine des anciennes franchises et la constance de despotismes qui ont détruit les lois, les mœurs,