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moins l’avantage d’être pour le gouvernement, comme pour ses adversaires ou ses alliés, la première occasion de s’expliquer après cette triste échauffourée militaire qui a un instant trouble Madrid au courant du dernier automne. Quelle était la position réelle du ministère que continue à présider M. Sagasta et qui s’est un peu modifié précisément à la suite de l’insurrection du 19 septembre? Quelles étaient les dispositions des partis qui allaient se rencontrer de nouveau dans les cortès? On ne le savait pas encore. Cette discussion qui vient de se dérouler à propos du message de la reine, à laquelle ont pris part successivement et M. Canovas del Castillo comme représentant des conservateurs, et M. Castelar comme l’orateur toujours séduisant d’une république libérale, et le leader des républicains avancés, M. Salmeron, et le chef de la gauche dynastique le général Lopez Dominguez, et les ministres eux-mêmes, M. Sagasta, M. Moret, M. Léon y Castillo, — cette discussion a jeté un jour assez vif sur la situation vraie de l’Espagne. Elle a mis en présence toutes les opinions, même toutes les passions ou toutes les ambitions, — et ce qui se dégage d’abord le plus clairement de ces longs débats, c’est que, dans cette première année de régence, la monarchie n’a fait que s’affermir au-delà des Pyrénées. Représentée comme elle l’est aujourd’hui par un enfant et par une femme, elle est peut-être plus respectée, plus populaire qu’elle ne l’a jamais été. La reine régente, par son tact, par sa droiture, par ses sentimens généreux, a visiblement désarmé toutes les hostilités, toutes les défiances. On a pu discuter aussi librement que possible, dans les cortès, on s’est incliné devant la monarchie comme devant la personnification souveraine de la paix publique en Espagne. Le ministère lui-même est sorti à peu près intact, plutôt fortifié qu’affaibli de ces longues discussions. Il a gardé sa position ; il est toujours libéral, il n’est pas moins conservateur, il l’est peut-être encore plus après les dernières conspirations militaires, et sans abandonner le programme de réformes libérales avec lequel il est arrivé au pouvoir, il semble assez résolu à ne point dépasser les limites au-delà desquelles on retomberait dans les aventures révolutionnaires; les principaux ministres, M. Sagasta, M. Moret, M. Gamazo, n’ont point hésité à se faire les défenseurs de toutes les garanties conservatrices.

Au fond, on peut aisément le distinguer, les dernières tentatives de sédition militaire ont laissé dans les esprits une assez vive impression, et ce qui domine dans ces récens débats, c’est le sentiment de la nécessité de la paix, c’est le besoin de voir les institutions sauvegardées, la loi respectée, la discipline maintenue dans l’armée. Les républicains les plus avancés, comme M. Salmeron, se sont crus obligés de ménager ce sentiment. Le chef de la gauche dynastique, le général Lopez Dominguez, n’a pas trouvé de plus sévère reproche à adresser au ministère que de n’avoir pas réprimé avec assez d’énergie le mouvement