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des miracles. L’assainissement du ruisseau et du grabat a eu son heureux contre-coup dans l’ordre moral et a réagi sur la tenue des habitations et des habitans. Elle a rendu la dignité à la famille et le charme au foyer, qui sait désormais retenir le père à son retour du travail et le dispute victorieusement au cabaret. »

Sans doute la famille qui demeurera dans cette maison assainie, blanchie, ouvrant sur un trottoir spacieux et planté d’arbres, disputera victorieusement le père au cabaret. Mais sera-ce bien le même père et la même famille? Hélas ! non. Celle qui vivait dans la maison noirâtre et dans la ruelle infecte, chassée par un loyer plus élevé, aura été probablement traîner sa misère dans quelque autre cour des miracles, à la porte de laquelle elle trouvera quelque nouveau cabaret. On n’aura fait que déplacer le problème au lieu de le résoudre. Il ne faut donc pas accorder trop de confiance à ce remède un peu lointain : l’amélioration du logement de l’ouvrier. Mais on peut dire cependant que tout lieu de réunion où il peut agréablement passer quelques heures de loisir fait une concurrence efficace au cabaret. De là le bienfait des cercles et des bibliothèques. Il n’est pas jusqu’aux squares plantés d’arbres et jusqu’aux bancs établis sur les promenades publiques qui n’aient aussi leur utilité. C’est un spectacle qui console de l’encombrement des cabarets de voir, par une belle soirée de printemps ou d’été, aux buttes Chaumont ou au square des Arts-et-Métiers un homme et une femme du peuple assis dehors et prenant le frais, tandis que leurs enfans se jouent à leurs pieds. Mais, outre ces remèdes détournés, il en est de plus directs dont l’efficacité a été mise à l’épreuve tant à l’étranger qu’en France et auxquels il vaut la peine de s’arrêter.

On peut distinguer les remèdes contre l’alcoolisme en deux catégories : les remèdes persuasifs et les remèdes répressifs : les uns bénins, administrés en douceur, en prend qui veut; les autres plus énergiques, et sur l’efficacité desquels on ne consulte point l’avis des malades. Les premiers sont peu usités en France. Il existe bien à Paris une société de tempérance composée d’hommes fort distingués, mais son action ne consiste guère qu’à publier un bulletin mensuel où sont l’assemblées d’intéressantes observations médicales et autres sur les dangers de l’alcoolisme, publication instructive sans doute, mais à laquelle, je le crains, les alcooliques ne sont pas abonnés en nombre suffisant. Il y a une quinzaine d’années, l’Académie de médecine a pris la peine de rédiger un vigoureux avis, en vingt-neuf articles, contre les dangers de l’alcoolisme ; mais cet avis a dû trouver également peu de lecteurs dans les cabarets. Pour combattre l’alcoolisme, on a eu également