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et prédisposés à certaines affections, entre autres à la méningite et à l’épilepsie. A un certain moment, sur 83 enfans épileptiques soignés à la Salpêtrière, 60 étaient nés de parens alcooliques. L’influence de l’alcoolisme sur cette terrible maladie n’est pas contestable, non plus que sur le développement de la folie. D’après des relevés très intéressans dressés par M. le docteur Lunier, la proportion des cas de folie ayant pour cause l’alcoolisme varie, suivant les départemens, de 6 à 29 pour 100. A l’époque où ces statistiques ont été dressées par M. le docteur Lunier, la proportion n’était pas des plus élevées dans le département de la Seine : elle ne dépassait pas 13 pour 100; mais, depuis lors, elle a augmenté sensiblement. En 1883, le nombre des cas de folie dus aux excès alcooliques a atteint 562 sur 3,574, soit une proportion de 17 pour 100. Cette progression, rapprochée de la prodigieuse augmentation dans la consommation de l’alcool que nous avons constatée, est assurément des plus frappantes. La proportion est beaucoup plus forte pour les hommes que pour les femmes : 450 contre 112. Quant à la nature de la folie produite par l’alcoolisme, un très habile acteur de mélodrame en donnait, il y a quelques années, une représentation très effrayante, sans grand profit, je crois, pour la moralité des spectateurs. Je ne sais si cette représentation était très exacte, et je crois que ce qui caractérise surtout la folie alcoolique, c’est l’hébétement et la paralysie. Mais, quelle qu’en soit la forme, cette conséquence funeste de l’abus des boissons alcooliques est indéniable, et les hygiénistes ont assurément raison de la signaler.

Faut-il maintenant pousser plus loin le procès contre l’alcool, et lui imputer une part dans l’augmentation du nombre des suicides ? Il y a eu 7,572 suicides en 1884, soit 20 pour 100,000 habitans. Si l’on remonte à trente ans en arrière, on voit que le nombre moyen annuel des suicides a été, pendant la période de 1851 à 1885, de 3,639, soit une proportion de 10 suicides pour 100,000 habitans. Le nombre des suicides a donc doublé. Mais, de notre temps (les pessimistes ne me contrediront pas) les raisons ne font guère défaut pour expliquer l’état d’esprit de ceux qui ont pris l’existence en dégoût :


Vitamque perosi
Projecere animas.


Il n’est pas besoin pour cela de recourir à l’augmentation de la consommation alcoolique. Cependant l’alcool a aussi sa part de responsabilité dans le nombre des suicides. Sur les 7,572 suicides