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Marie Stuart, une des beautés disparues avec les neiges d’antan ? La moderne Marina s’évanouit à l’improviste au milieu de palmiers nains, noyée dans l’éblouissante lumière du soleil couchant.

Pensif, je me demandais si ce n’était pas à elle que s’appliquait, en réalité, ce portrait d’une héroïne du XVIIe siècle. « Elle était belle, son port était céleste, son aspect doux et languissant. On ne pouvait rien voir de plus beau ni de plus extraordinaire que ses yeux, où il y avait de l’amour, de la modestie, de la langueur, de l’éclat, de la douceur, un peu de mélancolie qui ne gâtait rien, et, par-dessus tout, un charme qui pénétrait le cœur, qui le captivait. »

Mais non, il s’agit ici de Mlle de La Vallière; de Mlle de La Vallière dont, à tant d’égards et tout bien considéré, doña Marina fut une sœur aînée, placée à une autre époque et dans un autre milieu.

L’Indienne, restée pour moi le type vivant de ce que dut être doña Marina aux heures de sa jeunesse, s’évanouit à l’improviste dans la lumière ! Ce fut, hélas ! dans une ombre profonde que disparut un jour la véritable Marina, l’âme endolorie par l’ingratitude de celui dont son amour avait fait plus qu’un roi.


II.

A l’heure où doña Marina lui apparut pour la première fois. Cortès venait d’atteindre sa trente-troisième année. C’était alors, au dire de ses contemporains, lesquels l’ont peint avec complaisance, un homme d’assez haute taille, aux membres bien proportionnés, très élégant cavalier. Ses traits avaient une expression sévère, mais son regard était d’une grande douceur. Habile écuyer, habile au maniement des armes, il se montrait dans sa tenue, dans ses gestes, et cela à toute heure, à table aussi bien que dans les conseils, distingué, courtois, d’une dignité imposante. Toujours simplement vêtu, et dédaigneux pour lui-même des étoffes de soie, de velours ou des bijoux, il aimait cependant à les voir briller autour de lui. Sa maison, de tout temps, fut luxueuse, bien ordonnée, peuplée d’un nombre considérable de serviteurs. Instruit, quelque peu latiniste, poète à ses heures. Cortès se montrait doux avec ceux qui vivaient près de lui, mais familier avec personne. Maître absolu de sa volonté, il ne se laissait jamais emporter par la colère. En revanche, son entêtement pour mener à bien ce qu’il avait une fois résolu, surtout dans les choses de la guerre, dépassait souvent la mesure de la sagesse. En somme, aussi bien en Espagne qu’à La Havane, où il était venu chercher fortune et où il l’avait trouvée, puisque les navires qu’il commandait lui appartenaient en partie, on le tenait pour un noble seigneur, digne du sort brillant qu’il sut