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en équerre, le général Bugeaud le reconnaissait volontiers, n’eût pas été admissible devant une armée européenne; mais avec les Arabes, ajoutait-il, il n’y a pas de mauvais ordre, pourvu que l’on ait de la fermeté et de la résolution. »

A peine les différens corps de la division avaient-ils pris leur poste de combat qu’une masse de trois mille cavaliers arabes, soutenus par un pareil nombre de fantassins kabyles, s’abattit en vociférant sur les bataillons du colonel Combe. Choisis tout exprès par le général Bugeaud pour recevoir le premier choc, accoutumés aux clameurs des Arabes et à leur tactique bruyante, ces vieux africains ne s’étonnèrent pas. Auprès d’eux passèrent les chasseurs d’Afrique ; lancés à fond de train au plus épais de la cohue, ils commencèrent à l’éclaircir à coups de sabre ; mais le feu des Kabyles qui les prenait en flanc les obligea de rétrograder pour se reformer sous la protection de la batterie de montagne. Une seconde fois ils prirent leur élan ; à côté d’eux galopaient les Douair, accourus du bord de la Sikak, ardens à venger leur glorieux chef Moustafa blessé d’une balle qui lui avait fracassé le poignet. Cette charge fut décisive. Les Arabes culbutés s’enfuirent en déroute, qui vers la Tafna, qui vers l’Isser, abandonnant leur infanterie à la fureur des cavaliers de Moustafa. Cependant, à travers des flots de poussière et de fumée, on voyait venir du fond du champ de bataille une troupe d’apparence réglée, marchant en ordre, et derrière ses rangs alignés, quelques groupes de cavalerie se rallier autour d’un guidon bien connu depuis le combat de Sidi-Yacoub. C’était Abd el-Kader avec son bataillon de réguliers, fort de douze à quinze cents hommes. Malgré la vivacité de son feu, cette brave troupe, abordée par les colonnes du colonel Combe, ne put longtemps tenir.

Pressée, rompue, acculée au ravin abrupt de l’Isser, elle fut précipitée dans l’abîme ; les Douair y poursuivirent ce qui par exception avait échappé à la mort. A force de cris et de coups de plat de sabre, le général Bugeaud parvint à leur arracher vivans cent trente des réguliers ; mais il fallut leur en payer la rançon en quelque sorte. quant à la cavalerie qui, du côté de la Tafna, faisait mine de se réunir, elle n’attendit pas une seconde attaque ; à l’approche des bataillons français, elle s’empressa de franchir la rivière et disparut. Sur l’autre partie du champ de bataille, le succès n’était pas moins complet. Attirée sur la rive gauche de la Sikak par la retraite apparente de la ligne française, abordée résolument par le 62e et le demi-bataillon d’Afrique, précipitée, elle aussi, dans le ravin au-delà duquel elle s’était compromise, la cavalerie de Ben-Nouna était détruite ou en déroute. Pendant ce temps, le convoi, désormais sans