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nécessaires par la refonte de la clause relative à l’exclusion des membres irlandais du parlement anglais.

Tout dépendait maintenant de l’action du groupe des radicaux. On les disait pour la plupart ébranlés par les concessions de M. Gladstone et moins décidés à suivre jusqu’au bout M. Chamberlain dans son évolution. Pour en finir avec les irrésolutions, celui-ci réunit ses partisans le 31 mai dans une des salles de commission de la chambre des communes et posa résolument la question : fallait-il se rallier, s’abstenir ou voter contre les projets de M. Gladstone ? Il était bien décidé, quant à lui, comme l’étaient également M. Trevelyan et M. Bright, à repousser des combinaisons qu’ils étaient d’accord à considérer comme néfastes pour le maintien de l’unité de l’empire britannique. Quarante-six des assistons sur cinquante-quatre prirent l’engagement de voter contre la seconde lecture. L’annonce de cette décision causa une émotion extraordinaire dans les couloirs de la chambre ; les ministériels ne doutèrent plus de leur défaite ; les bureaux du télégraphe furent envahis, des ordres expédiés de tous côtés aux agens électoraux en prévision d’une dissolution imminente du parlement. Déjà les amateurs de pointage estimaient que les anti-gladstoniens réuniraient près de 350 voix, et les gladstoniens, unis aux parnellistes, moins de 300.

Le lendemain de cette journée décisive, M. Chamberlain expliqua à la chambre des communes son attitude, interrompu à chaque phrase par les vociférations des autonomistes ou par les applaudissemens des conservateurs. Y avait-il dans la chambre un seul membre qui pût soutenir que le bill n’affaiblissait pas la suprématie du parlement impérial ? Il mettait au défi les Irlandais partisans du bill d’aller en Irlande soutenir qu’ils désiraient voir se continuer la suprématie réelle du parlement impérial. Ils ne supportaient le bill que parce qu’il transformait la suprématie effective qui existait actuellement en une pure fiction. « Je ne puis admettre, dit-il en terminant, que les pouvoirs du parlement anglais sur l’Irlande soient abaissés au niveau de la suzeraineté de la Porte sur l’Ile de Chypre. Il n’y a personne ici qui ne sache que tous mes intérêts personnels et politiques m’engageraient à rester à côté de M. Gladstone ; il ne se passe pas de jour que je ne reçoive des monceaux de lettres me pressant de voter le bill et d’abandonner les wighs. La tentation est grande, mais je ne suis pas assez vil pour satisfaire mon ambition personnelle en trahissant mon pays. »

Il était temps d’en finir. M. Gladstone fixa au 7 juin le vote décisif. Les home-rulers firent grand tapage d’une déclaration de lord Salisbury, que ce qui pouvait le mieux convenir à l’état actuel de l’Irlande, c’était vingt années de gouvernement résolu. Oui,