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morale du gouvernement anglais de désintéresser les landlords au moment où allait être remise aux mains de la Ligue nationale la responsabilité de la protection de l’ordre social dans l’Ile. Si cette obligation morale existait réellement, il ne pouvait être question de distinguer entre les landlords, de favoriser les uns au détriment des autres, de n’admettre au bénéfice de la loi que ceux qui auraient été les premier à le réclamer. Dès lors la somme proposée était notoirement insuffisante. La réduction imposée au chiffre primitif n’avait d’autre but que de leurrer l’opinion sur l’étendue des sacrifices auxquels l’Angleterre devrait se résigner.

Le Purchase bill, malgré ou plutôt vu l’importance énorme des intérêts qu’il mettait en jeu, ne fut pas sérieusement discuté. Déjà les partisans de M. Gladstone sentaient la partie compromise. Par la seule production de telles combinaisons financières, les dissidens justifiaient leur refus de consentir à M. Parnell des concessions impliquant des risques aussi menaçans pour les intérêts de l’Angleterre. On arrivait aux fêtes de Pâques. La question étant maintenant posée avec la plus grande netteté devant le pays, les politiciens, pendant la clôture temporaire du parlement, allaient entretenir l’agitation de façon à préparer le dénoûment pour la rentrée.


VII

Un peu avant les vacances, les libéraux dissidens et les conservateurs avaient tenu, sous la dénomination nouvelle d’unionistes, un grand meeting où, sur l’estrade, lord Hartington et M. Goschen avaient paru à côté de lord Salisbury et de MM. Smith et Plunket. La réunion avait voté la formation d’une association libérale pour le maintien de l’union législative. M. Chamberlain se rendit à Birmingham pour expliquer à ses électeurs, étonnés de son altitude, les motifs qui l’avaient déterminé à se séparer de M. Gladstone. Il obtint d’eux un vote de confiance, mais accompagné du vœu qu’une réconciliation intervint entre M. Chamberlain et M. Gladstone sur le maintien de la représentation irlandaise dans le parlement anglais. M. Trevelyan à Hawick, M. Courtney à Liskeard, lord Hartington à Rossendale, furent moins heureux dans leur visite à leurs électeurs ; accueillis froidement, ils durent se contenter de résolutions évasives. M. Trevelyan surtout put constater que les Écossais entendaient rester en masse fidèles à M. Gladstone et ne pas s’embarrasser des chicanes plus ou moins judicieuses que des debaters de profession pouvaient diriger contre la politique du grand old man. L’illustre homme d’état estimait aujourd’hui qu’il fallait concéder l’indépendance législative aux Irlandais après avoir soutenu