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ÉTUDES SUR L’HISTOIRE D’ALLEMAGNE.

par une admonition pieuse, si bien que le roi se prosterna devant le pontife, promettant de se retirer sans faire de mal à personne. » Grégoire le mena au tombeau de saint Pierre « et le mit par ses pieux discours en un tel état de componction, qu’il se dépouilla de ses vêtemens pour les déposer devant le corps de l’apôtre. Après quoi, il fit sa prière et se retira. » Saint Pierre avait préservé son successeur de la fondation d’un royaume d’Italie, mais Liudprand pouvait revenir, être moins ému dans une autre visite, garder ses vêtemens et la place. Le pape chercha des alliés parmi les Lombards eux-mêmes ; il encourageait à la rébellion les ducs de Spolète et de Bénévent, qui voulaient acquérir l’indépendance. Liudprand vainquit le duc de Spolète, qui se sauva dans Rome. Il somma Grégoire III de livrer le fugitif ; sur son refus, il recommença la guerre. Après que le duc de Spolète eut été vaincu par le roi et se fut réfugié dans Rome, il refuse de se livrer, et, cette fois, il se trouva en guerre ouverte avec Liudprand.

C’est dans ces conjonctures qu’il se tourna vers le duc des Francs. Nous ne savons au juste ni ce qu’il lui demanda, ni ce qu’il lui offrit. Les renseignemens qui nous sont parvenus sur cette grave démarche sont un peu postérieurs à l’événement. Le Liber pontificalis ne parle que de la prière adressée par Grégoire à Charles de délivrer les Romains de l’oppression des Lombards ; le continuateur de Frédégaire affirme qu’il lui promit « de se séparer de l’empereur et de lui donner le consulat romain. » Comme toujours, le pontife se recommanda de saint Pierre et parmi les présens dont ses légats étaient chargés, se trouvaient « les clés du vénérable tombeau de l’apôtre. » L’ambassade étonne le duc franc : il n’avait aucun sujet d’inimitié contre Liudprand, qui l’avait aidé peu de temps auparavant à chasser les Sarrasins de la Provence, et il se contenta d’envoyer une ambassade qui porta des cadeaux à Rome. Grégoire écrivit alors deux lettres suppliantes : il se lamentait sur le pillage des biens de l’église, et il conjurait Charles « de ne pas préférer l’amitié d’un roi des Lombards à l’amour du prince des apôtres. » Aucun effet ne suivit ces négociations. Charles mourut l’année d’après en 740, et Grégoire en 741. Le pape Zacharie essaya même de se rapprocher des Lombards, mais la force des choses devait contraindre l’évêque de Rome à se tourner de nouveau vers les Francs, et l’ambassade de Grégoire marque une des plus grandes dates de l’histoire universelle.

Représentant-nous bien la situation de la papauté dans le monde. La doctrine de la primauté de saint Pierre a fait de l’évêque de Rome le chef de l’église universelle. Elle l’a soutenu dans les conflits théologiques, elle l’a défendu contre les compétitions des églises