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eu le temps de « faire fondre de la chaux. » Ils construisent ou bien ils réparent des églises, remplacent des poutres vieillies, dont leur biographe donne le nombre, font faire des pièces d’orfèvrerie, des images peintes, des mosaïques ; ils recherchent les reliques des martyrs et les transportent en grande pompe dans le sanctuaire qui leur est destiné ; ils veillent sur les cimetières où dort la foule des saints, et ils y envoient le pain consacré, la burette et les cierges pour la célébration de la messe. S’il pleut trop longtemps ou que le Tibre déborde, ils conjurent les eaux par des processions. Ils contemplent avec terreur les éclipses pendant lesquelles la lune laisse voir « sa souffrance sur son visage sanglant. » Ils aiment les pauvres et font l’aumône. Ils distribuent les blés du grenier de Saint-Pierre à bas prix ou gratuitement et se font bien venir de leur clergé, auquel ils laissent toujours quelque générosité par testament. Bien qu’il ne faille point pour les juger s’en rapporter toujours à leurs biographes, ceux-ci nous donnent une impression générale qui doit être exacte. Justement parce que le Liber pontificalis signale avec force éloges les pontifes qui savent le grec, il nous montre que c’est là une exception. Exception encore si le pape est « éloquent » et capable « d’instruire son clergé. » D’ordinaire, son mérite est de connaître les psaumes par cœur avec leur interprétation mystique et de les savoir chanter. Être un maître en l’art du chant, un prœcipuus in cantilena, c’était un titre pour succéder à saint Pierre : les électeurs goûtaient et ils étaient capables de juger ce talent-là. On vit dans la sancta simplicitas, dans le paupertas spiritus, dans l’indigence d’esprit. Un pape, faute sans doute de trouver un serviteur à son gré, est obligé de se faire son propre caissier. Un autre, envoyant à l’empereur une légation de quelques personnes, s’excuse de n’avoir pu trouver dans la ville des gens instruits. Si l’on voulait comparer l’activité intellectuelle de Constantinople à celle de Rome, le contraste serait aussi grand qu’entre le jour et la nuit ; mais Rome, réduite à cette pénurie, sait du moins ce qu’elle veut ; deux idées remplissent les esprits de ses papes : ils croient à la primauté de l’apôtre Pierre et à la fixité de la foi. Nulle part la tradition n’a été plus forte que dans la Rome pontificale, qui en remontrerait sur ce point même à la Rome païenne des premiers siècles. Or la simplicité d’un esprit borné, mais constant et robuste, est une arme redoutable : c’est par elle que la papauté a vaincu.

Parmi ces débats interminables sur la nature du Christ, il y a deux momens décisifs ; le concile de Chalcédoine, en 451, se prononce pour l’union des deux natures ; le concile de Constantinople, en 680, pour les deux volontés : la sentence a été dictée à Chalcédoine par le pape Léon le Grand, à Constantinople par le