nelle de leur autorité ; ils durent au pape le titre d’empereur et le rang de chefs temporels de la chrétienté. Le pape acquit, pour sa part, le droit de disposer des couronnes et le moyen de jouer un grand rôle dans les affaires de l’Occident. L’histoire de l’Europe aurait été toute différente, nos ancêtres auraient trouvé d’autres conceptions politiques, connu d’autres sentimens et d’autres passions, si l’église et la papauté ne leur avaient proposé un idéal qui les a dominés par un effet de cette séduction qu’un système d’idées toutes faites exerce toujours sur des ignorans.
Supprimez la papauté : du même coup disparaissent la communauté de la civilisation ecclésiastique et chrétienne où les peuples sont demeurés longtemps confondus, la prédominance de la théologie dans l’école et de la religion dans l’art, l’union intime de l’état et de l’église. Point de pontifes qui semblent être des empereurs et des rois ; point d’empereurs ni de rois qui semblent être des pontifes. Ni sacre, ni droit divin. Le roi de France ne guérit pas les écrouelles ; Aristote n’est point transformé en père de l’église, ni Virgile en prophète de la venue du Christ. L’histoire du monde ancien est oubliée : Charlemagne n’est point le successeur des Césars, Otton ne fonde pas le saint-empire de la nation germanique. La querelle du spirituel et du temporel, qui fut la grande guerre civile du moyen âge, n’a pas de raison d’être, non plus l’accord du monde chrétien contre l’Infidèle ; l’épée du chevalier n’est pas bénite par le prêtre, et l’histoire ne racontera pas le poème des croisades. Sans la papauté, nous ne savons ce que serait devenue l’Allemagne ni quelle route elle aurait frayée a ses destinées, car ce pays a été converti par l’ordre des papes, honoré mais aussi accablé par eux de la charge de l’empire, rivé à Rome, exploité par elle à outrance, jusqu’à la révolte du XVIe siècle. Comme César, comme Aristote et comme Godefroi de Bouillon, Luther s’évanouit.
Au moment où nous rencontrons la papauté dans cette histoire des origines de l’Allemagne, il nous faut donc apprendre d’où elle vient et ce qu’elle veut. Voyons d’abord d’où elle vient.
I
La papauté vient de l’ancien monde. Elle est, à de certains égards, une institution romaine.
Le jour où l’église est entrée dans l’état, l’empereur a des officiers d’une sorte nouvelle : les évêques. Il ne les institue point, comme les autres, par un acte simple et direct de sa toute-puissance, mais il confirme leur élection après qu’elle a été faite par le peuple et le clergé ; il y intervient même, et, plus d’une fois, pourvoit à la vacance des grands sièges. Il préside les conciles, ou dé-