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nouvelles, comme déjà, sous Ézéchias, on avait procédé pour la fusion des deux textes jéhoviste et élohiste. Le cas le plus remarquable est celui de la fusion de L’ancien récit sur la révolte de Datan et d’Abiram avec le récit sur la révolte de Coré, qui ne se trouvait que dans les nouvelles Vies de Moïse. Rien n’égale la grossièreté avec laquelle se fit l’opération. Pour l’épisode de Balaam et celui des filles de Selolbad, au contraire, on procéda par juxtaposition, au risque d’obtenir ainsi un texte contradictoire ou redondant.

Si Esdras est vraiment l’auteur de ce dernier travail de compilation et d’arrangement, c’est à lui qu’il faudrait attribuer ces scolies, ces gloses nombreuses, d’abord écrites à la marge, puis insérées dans le texte, qui se retrouvent jusque dans les parties les plus anciennes de l’Hexateuque. Ces additions purent aller jusqu’à ajouter des paragraphes entiers, explicatifs ou apologétiques. Souvent, à la marge, on transcrivit quelques textes, en guise de simples rapprochemens. Ces textes furent copiés plus tard à l’endroit où ils semblaient se rapporter, ce qui fit d’étranges répétitions, et, comme les réclames ou signes de renvoi étaient très vagues, ces répétitions se produisirent souvent d’une façon impossible à expliquer.

Laissant de côté la personnalité d’Esdras, sur laquelle nous n’avons que des données insuffisantes, il paraît très plausible de placer l’arrangement définitif de l’Hexateuque, tel que nous l’avons, vers l’an 450. On s’habitua, sans doute, à transcrire après l’Hexateuque le livre des Juges et les livres dits de Samuel, tels qu’ils avaient été arrêtés vers le temps d’Ézéchias et interpolés sous Josias. Les livres des Rois étaient mis à la suite, avec ces coups de ciseaux dont le compilateur prend soin de nous avertir et qui ne font que redoubler nos regrets. Le Corpus historique, allant de la création du monde à la ruine de Jérusalem par Nabuchodonosor, qui remplit la première moitié des Bibles hébraïques, paraît ainsi avoir été clos vers le milieu du v° siècle avant Jésus-Christ.


V

Que l’unification de tous ces codes ait été l’œuvre d’Esdras, ou qu’elle ait eu lieu un peu avant lui, Esdras paraît bien avoir été le promulgateur de cette loi qui désormais sera le centre unique de la vie d’Israël. Un récit plein d’intérêt à cet égard nous a été conservé. Il n’a pas une plus grande valeur historique que toutes les relations qui nous restent de ce temps ; il paraît cependant bien représenter dans ses lignes générales un événement qui, sous une forme ou sous une autre, dut se passer et laisser une profonde trace.