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l’administration, l’enseignement, l’évangélisation. Les pères qui arrivent en Chine ont trente-cinq ans en moyenne ; ils ont passé l’âge dangereux de la soif du martyre : ils sont avisés et prudens. Puis on ne les abandonne jamais à eux-mêmes. Si loin que soient les chrétientés qui leur sont confiées, ils viennent chaque année au centre de la mission pour se retremper durant quelques semaines parmi leurs confrères et revivre de la vie sociale, indispensable au complet équilibre des facultés. Aussi est-ce parmi les jésuites que se rencontrent les hommes qui connaissent le mieux la Chine. Il serait bon que leur méthode fût suivie par les autres ordres religieux qui y envoient des missionnaires. Le recrutement est quelquefois défectueux. Je sais qu’il est difficile : il le sera peut-être davantage encore si, dans nos futures lois militaires, on ne maintient pas une dispense en faveur des missionnaires, comme l’a fait le gouvernement italien, peu suspect pourtant de cléricalisme. Du moins faudrait-il ne diriger sur la Chine que des hommes ayant une certaine maturité d’esprit et, autant que possible, assez cultivés eux-mêmes pour pouvoir répandre autour d’eux quelque chose de la culture européenne. Il est fâcheux que l’établissement de Siu-kia-weï soit resté le seul de son genre. Le Petang aurait dû devenir, aux mains des lazaristes, une maison de hautes études. Des écoles auraient pu utilement être fondées sur bien des points. Le succès de la nouvelle école française, ouverte cette année même à Shanghaï, est de nature à encourager des tentatives de même genre. — J’ai hâte d’ajouter que, si les missions de Chine sont en retard au point de vue des établissemens scolaires, elles ont déployé plus d’activité pour les œuvres hospitalières. Des asiles pour les enfans abandonnés, des hôpitaux et des hospices ont été créés en grand nombre. En cela, les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, en Chine comme partout ailleurs, tiennent le premier rang. À Pékin, les lazaristes portent le costume chinois pour ne pas attirer l’attention, mais les sœurs circulent partout en cornette blanche. Le peuple les connaît et les aime.

Comme moyen de pénétration, missionnaires et religieuses rendent un service signalé à la civilisation européenne. En les encourageant et en les protégeant, la France bénéficie de leurs efforts ; mais l’exercice de cette protection n’est pas une sinécure. La légation de France entretient une correspondance constante avec les vicaires apostoliques : elle est souvent appelée à intervenir auprès du Tsong-li-Yamen pour empêcher des spoliations iniques, pour prévenir-ou : réprimer les exactions de mandarins fanatiques ou ignorans, pour obtenir la réparation des dommages injustement causés. De là des difficultés fréquentes. Presque tout le monde reconnaît qu’il est avantageux pour la France d’avoir cette clientèle nombreuse