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comme on l’a vu, des privilèges importans. Exemples : la faculté d’acquérir des immeubles pour établir de nouvelles missions et l’obtention de passeports spéciaux, dont on réclamerait en vain l’équivalent auprès des autres légations. Les journaux de Shanghaï ont raconté tout dernièrement que des missionnaires catholiques de nationalité allemande avaient tenté en vain d’obtenir de la légation d’Allemagne des passeports identiques à ceux que délivre le ministre de France. Nous croyons que ce n’est pas la première fois que pareille mésaventure est arrivée à des religieux atteints de gallophobie.

Ces avantages de droit et de fait, le saint-siège les connaît bien. Aussi a-t-il constamment encouragé les missionnaires à s’adresser à la France. Il en a même quelquefois donné l’ordre à ceux qui, mus par des considérations mesquines de jalousie nationale, avaient cherché à se passer de notre intervention. Ainsi s’est établi de soi-même un état de choses qui semblait concilier tous les intérêts. La France et le Vatican, sans jamais avoir conclu de traité en forme, marchaient d’accord et se prêtaient un mutuel appui. Les puissances étrangères auraient pu interdire à leurs ressortissans de se placer sous notre protection ; mais elles ne voyaient pas d’intérêt à le faire, chacune d’elles ayant un trop petit nombre de missionnaires pour que l’avantage politique qu’elle pourrait retirer à les protéger compensât les difficultés qui résulteraient de cette protection vis-à-vis du gouvernement chinois et vis-à-vis des missionnaires eux-mêmes, qui se trouveraient placés dans une situation d’infériorité par rapport à leurs confrères.

Né de la force des choses, le protectorat religieux de la France n’a pas été entamé par l’interruption de nos rapports diplomatiques avec la Chine pendant la guerre du Tonkin. Le ministre de Russie, M. Popof, à qui a été confiée la défense de nos intérêts, a tenu à honneur de rendre intact à la France le dépôt qu’il avait reçu. Grâce à son énergie, grâce à l’intelligence qu’il a déployée dans des conjonctures bien difficiles, nous avons retrouvé la situation en 1885 telle qu’elle était auparavant. Pendant la guerre, le saint-siège avait cru devoir faire un appel direct à l’empereur de Chine en faveur des chrétiens et des missions. Un prélat romain a été chargé de porter, à cet effet, à Pékin, une lettre du saint-père. En agissant ainsi, le pape, privé de son intermédiaire ordinaire auprès du Tsong-li-Yamen, avait eu recours au seul moyen qui s’offrît à lui de témoigner sa sollicitude aux chrétiens de la Chine. La mission de Mgr Giunanelli avait un caractère tout exceptionnel, et rien ne permet de supposer que le saint-siège, en faisant partir ce prélat,