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« S’il arrive dans les différentes provinces qu’après la réception de cet édit, les autorités locales exercent des poursuites contre ceux qui professent vraiment la religion chrétienne, sans commettre aucun crime, on devra infliger à ces autorités le châtiment que mérite leur conduite coupable. »

Le décret se termine par quelques réserves touchant les gens qui emprunteraient la qualification de chrétiens pour commettre des méfaits punis par les lois ordinaires. En somme, M. de Lagrénée était arrivé à un résultat aussi satisfaisant qu’il était possible de l’espérer. Mais la liberté ainsi accordée motu proprio par l’empereur n’était pas inscrite au traité. Il s’ensuit que l’empereur pouvait la retirer et, en tout cas, que la France n’avait aucun titre pour réclamer en cas d’infraction contre l’édit impérial. On s’en aperçut bien à la mort de Tao-kouang. Une réaction s’opéra dans plusieurs provinces. Beaucoup de lettrés s’effrayèrent des conséquences possibles de l’émancipation religieuse, et certains censeurs dénoncèrent les chrétiens comme ennemis de l’état. Ki-yng fut lui-même l’objet de graves inculpations. Il fut rappelé à Pékin. En 1858, on se souvint des bons rapports qu’il avait eus autrefois avec les étrangers et on l’envoya négocier à Tientsin avec les Anglais et les Français. Il se montra ce qu’il avait été en 1844, sage et conciliant, et paya de sa vie les efforts qu’il avait faits pour épargner à son pays les hontes suprêmes de 1860. Jeté en prison, il fut invité à se suicider et il n’eut garde d’y manquer.

Après la mort de Tao-kouang, le traité de 1844 lui-même recevait de sérieuses atteintes, dont la plus connue est le meurtre de l’abbé Chapdelaine à Silinhien, dans le Kouang-Si. Reconnu et dénoncé, cet ecclésiastique devait être reconduit à Canton pour y être livré au consul de France. Son exécution par ordre de l’autorité était une violation trop flagrante des engagemens pris par la Chine pour ne pas être suivie d’une demande immédiate de réparation. C’est en grande partie cet incident qui a déterminé le gouvernement de l’empereur Napoléon à se joindre à l’Angleterre pour occuper Canton et à ouvrir des négociations afin de substituer au traité de Whampoa des engagemens plus fermes et plus précis. — On sait le sort des traités conclus à Tientsin en 1858. Lorsque l’année suivante les plénipotentiaires de France et d’Angleterre se présentèrent devant Takou, pour aller procéder à l’échange des ratifications, ils furent reçus à coups de canon, et la nécessité de venger cet affront obligea la France et l’Angleterre à préparer l’expédition de Pékin. Ce fut un des épisodes les plus extraordinaires de l’histoire contemporaine. On vit une petite armée de moins de vingt mille hommes, arrivée de l’autre